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mais presque désert. Toute la nuit on a entendu hurler dans la campagne. Au matin, j’ai demandé :

— Qu’est-ce que c’est que ce vacarme ?

On m’a répondu :

— C’est les loups.

— Les loups… Il y en a donc par ici ?

— Oui. Ils sont descendus des montagnes. Ils sont affamés. On prétend que plusieurs personnes ont été attaquées.

Natson écoutait, à deux pas de moi.

— Alors, fit-il, la prudence consiste à suivre de près la voie ferrée du Trunk. (Tronc — ainsi est dénommé le chemin de fer qui relie New-York à San-Francisco.)

— Peuh ! là où ailleurs…

— Bon. Il y a les stations, les postes des gardes de la voie. On peut y trouver secours et refuge à l’occasion.

L’hôte, qu’on interrogeait, a avancé les lèvres en une mine pas rassurante. Sans nul doute, il ne croit pas à l’efficacité de la protection du personnel du chemin de fer.

Nous partons de bonne heure, sous un rayon de soleil pâle.

C’est peu de chose, mais cette clarté, remplaçant le ciel d’encre dont nous avons joui depuis Chicago, nous réjouit. On se sent pénétré de confiance. C’est beau, le soleil même quand il ne chauffe pas.

Enfin, Natson au volant, on file le plus près possible de la voie ferrée.

On est obligé de la lâcher de temps à autre, car elle franchit des vallées, elle contourne des massifs rocheux. Toutefois, on ne s’en éloigne jamais beaucoup.

Natson manœuvre avec toute la prudence possible. Du reste, des silhouettes noires, que l’on aperçoit à distance, se chargent de lui rappeler que les loups ne respecteraient pas plus l’ami de Larmette que les autres.

Car les loups se montrent. Ils se tiennent hors de portée, c’est vrai ; mais ils hurlent lamentablement, comme pour dire :

— Voilà des voyageurs que je me mettrais bien sous la dent.

Parfois, l’un d’eux se met au trot et nous accompagne de loin durant quelques centaines de mètres.

Mam’zelle Fleuriane les regarde sans s’effrayer,