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Ce n’est plus la même voix. Le professeur s’est fait tout sucre et tout miel.

— Vous pouvez lui donner la clef d’une affaire criminelle.

— Enchanté ! Enchanté, en vérité. Vous remercierez M. Thomson d’avoir songé à moi… Et cette affaire criminelle ?

Je baisse le ton pour murmurer :

— Confidentielle.

— Je pense bien, souligne-t-il d’un air de plus en plus satisfait.

— La moindre indiscrétion pourrait donner l’éveil au coupable présumé.

— Oh ! je suis le tombeau des secrets.

Avec aplomb, je lui décoche ce compliment en pleine poitrine :

— C’est bien ce que dit M. le juge d’instruction.

Maintenant je puis entrer en matière sans crainte. M. Flag fera tout ce que je voudrai. Il se gonfle, toute révérence gardée, comme la célèbre grenouille qui souhaitait devenir aussi grosse que le bœuf.

— L’assassin Toddy s’est évadé de prison.

— Je sais cela. La Gazette conseille à tout le monde de faire bonne garde.

— Eh bien ! M. Thomson croit qu’il réside dans la ville.

Oh ! oh ! le professeur de chimie n’est sûrement pas un foudre de guerre. Il a pâli, son binocle même tremble sur son nez.

— Dans la ville ? répète-t-il avec une consternation profonde.

J’affirme du geste, tempérant cependant l’affirmation par ces paroles :

— Du moins, il y a de fortes présomptions… Il serait en ville depuis deux jours, la tête enveloppée de bandelettes, grâce auxquelles il aurait fait disparaître la « tache de vin » qui le rendait si reconnaissable.

— Mais alors, il va se glisser dans nos demeures ; il va perpétrer de nouveaux crimes.

— C’est pour l’en empêcher que je viens à vous.

— Moi, moi… suis-je donc un gendarme ?…

Fichtre non, il n’est pas gendarme ! Les gendarmes sont des braves gens et des hommes braves. Tandis que le professeur de chimie, de toute évidence, ne connaît le courage que de nom.