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près de lui, il commença à dérouler la bande qui emprisonnait la tête du malade.

D’abord, elle fut blanche, puis elle se teinta de jaune, puis elle prit un ton brun rougeâtre, qui vers la fin devint presque noir.

On eût dit que le tissu avait été calciné.

— Qu’est-ce cela ? interrogea le juge.

— Dissolution iodée, répliqua sans hésiter le joaillier.

— Mais cela a dû lui enlever la peau !

— Non… Comme vous le voyez, une légère feuille d’ouate isolait l’épiderme de la compresse… Seules les vapeurs d’iode ont agi.

Ce disant, il enlevait l’ouate qui cachait encore les traits du patient, et le visage de Jeffries nous apparut débarrassé de tout voile.

Je faillis pousser un cri. Aucune trace de tache de vin !

La peau se montrait partout d’une teinte uniforme, je ne dirai pas de ce ton si suave de l’épiderme d’une jeune élégante, mais simplement comme il convient au cuir d’un homme accoutumé à braver les intempéries. La tache de vin avait disparu.

Le juge me foudroya d’un regard sévère. Ce reproche muet, il l’accentua encore en interrogeant Larmette et l’ingénieur.

— C’est vous, gentleman, qui aviez opéré le pansement de Mr. Jeffries ?

— En effet. Comme je l’ai déclaré à l’enquête, les gémissements du pauvre monsieur nous empêchaient de dormir. Il se faut entr’aider en voyage, nous entrâmes chez lui…

— Et, acheva Jeffries avec une expression de reconnaissance tout à fait touchante, en vérité, vous avez pris soin de moi, comme des frères.

À chaque réplique, le juge me décochait un coup d’œil de plus en plus sévère. Évidemment il pensait, en son for intérieur, que je ne marquais pas une contrition assez profonde.

Une idée m’entrait dans le cerveau comme une griffe. Le bandage devait être un truc médical pour faire disparaître la tache de vin.

Ce qui est sûr, c’est que je fus pris d’une envie irrésistible de m’approprier un bout de la bande de toile, teinté par l’iode.

Le juge, mécontent de ne pas constater chez moi un