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Ces mots sont comme un signal. La servante rouvre la porte, à travers laquelle s’engouffre le souffle froid de la bise… Nous sortons.

— Pressons, pressons, murmure mon compagnon. Il fait un froid à changer le nez en aiguille de glace.

La façade de l’hôtel Tomlett est en face de nous.

Le directeur est dans le « bureau ». Il cause avec M. Larmette, nonchalamment étendu sur le canapé mis à la disposition des gentlemen qui discutent les prix avec le « patron ».

Tous deux ont une mine mécontente en reconnaissant M. Thomson.

J’ai l’impression qu’ils l’enverraient bien au diable, avec moi en postillon, s’ils le pouvaient sans danger. Ils font à mauvaise fortune bon visage.

— Master Jeffries, s’exclament-ils, quand le juge exprime le désir de voir immédiatement le voyageur de la chambre d’acajou. Eh ! le digne homme n’a pas bougé de son lit. Il ne sera pas difficile de le rencontrer.

— Alors, veuillez me conduire.

Tomlett se précipite. Larmette ne fait pas un mouvement. Il me semble que ses yeux, fixés sur moi, ont une expression sarcastique.

M. Tomlett et le juge d’instruction ont déjà quitté le bureau, et font gémir sous leur poids l’escalier qui accède au premier étage.

Je me hâte de les joindre. Au premier, on s’arrête devant la porte de la chambre occupée par le « client » que nous venons visiter.

Tomlett frappe légèrement, ouvre aussitôt, et passant la tête par l’entre-bâillement :

— Master Jeffries, dit-il, c’est M. le juge, qui désire vous parler.

— Qu’il entre, riposte l’organe enroué du malade, puisqu’il est dit qu’on ne me laissera pas dormir. J’en aurais grand besoin cependant, après la nuit blanche que j’ai passée.

Nous entrons. L’homme est couché, comme l’a affirmé Larmette. Sa tête entièrement recouverte de bandes de toile, offre l’aspect le plus bizarre. Un seul œil est découvert, et cet œil nous considère avec une acuité où je crois deviner l’inquiétude.

— Bonjour, master Jeffries, prononce rondement le juge, bonjour. Je suis fâché de vous déranger, mais Thémis ne me permet pas d’agir différemment.