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Oh ! je faillis tomber dans le cuveau de bois où je lessivais mon individu.

Mais cette tache de vin si caractéristique, je l’avais vue, moi.

Le malade du premier, Jeffries, répondait au signalement.

Et le juge d’instruction lui avait parlé, sans s’en douter… Ah ! les juges d’instruction ! Il est vrai qu’avec le visage entortillé de bandes de toile, il n’est pas commode de distinguer si la personne est ou non agrémentée d’une tache lie de vin.

Un bandit à l’hôtel… Et les voyageurs cambriolés… Les deux choses se touchent. L’une explique l’autre. L’homme aux bandelettes a mes cent quarante-huit francs. Oh ! il les restituera.

Comment, par exemple ? Voilà qui ne m’apparaît pas tout de suite. Car enfin, je ne puis pas me présenter chez celui qui se fait appeler Jeffries, bien qu’il fût en réalité Toddy le forçat, pour lui proposer :

1o D’ôter ses bandes de toile, afin de me permettre de constater la présence de la tache de vin sur son visage ;

2o De me donner licence de rechercher mon porte-monnaie dans ses bagages.

Oh ! mais je suis stupide. Ce que je ne saurais faire, un autre a qualité pour l’exécuter. Le juge d’instruction a le droit d’être indiscret. La loi le lui confère, et dans l’espèce, elle me semble avoir joliment raison, la loi.

Et j’active ma toilette. Me voici prêt.

La demeure du juge n’est pas très éloignée. Une chance cela, car en vérité, il y a encore plus de boue qu’hier soir.

Je tourne à droite, puis à gauche, et encore à gauche. Je suis devant la maison de M. Thomson, le magistrat que je souhaite requérir.

Je frappe à la porte, à l’aide d’un marteau de fonte figurant une tête d’archange.

La servante laide et sale qui m’ouvre m’oblige à parlementer durant cinq bonnes minutes. Elle me régale de mensonges variés :

— M. le juge n’est point chez lui… Il est peut-être au greffe du tribunal ; il doit déjeuner en ville, et ne rentrera que tard dans la journée.

Seulement je ne m’en laisse pas conter. Je l’attendrai. Il faut que je le voie.