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— Je pars à l’instant, mistress.

— Attendez donc, sotte hurluberlue que vous êtes, je n’ai pas fini. Vous ajouterez que, dans ces conditions, j’ai donné le manteau dangereux à vous-même, Mérédith.

— À moi ! clama la fille de chambre d’une voix tremblante.

— Eh ! sans doute à vous, à moins que vous ne soyez pas vous-même ?

Et comme la servante demeurait médusée par ce présent périlleux, Mrs. Tolham, avec cette férocité inconsciente, dont elle semblait avoir le secret, conclut paisiblement :

— De cette façon, le coupeur de manteaux sera renseigné, et je ne risquerai pas, moi, une personne considérable, de recevoir un mauvais coup.

Elle avait débité cette énormité comme la chose la plus naturelle du monde. Aussi ce lui fut une surprise intense d’entendre Mérédith répondre :

— Que Mistress me pardonne, mais je ne puis accepter cela.

— Vous ne pouvez accepter ? redit-elle, suffoquée.

— Que Mistress veuille bien se souvenir. Je suis entrée à son service comme femme de chambre. Je dois l’habiller, la coiffer, coudre, tenir en ordre son appartement privé, etc… Je m’acquitte de ces devoirs avec ponctualité, j’ose le dire : mais lors de mon engagement, il n’a pas été question de recevoir des coups de couteau, au lieu et place de Mistress.

La veuve fit une effroyable grimace. Ses yeux lancèrent des éclairs. Toutefois elle parvint à retenir les imprécations qui montaient à ses lèvres.

Elle haussa les épaules, en articulant avec un souverain mépris :

— Voilà bien le dévouement de ces espèces !

Ce fut tout. Mais cela était plus cinglant que la plus violente apostrophe. Tout ce qu’une créature peut contenir de mépris à l’égard d’une autre vibrait dans ces simples paroles.

On eût cru que la veuve dédaignait de s’occuper plus longtemps d’une personne aussi peu recommandable, car elle ordonna sèchement :

— Envoyez-moi vos suppléantes Linna et Lucy.

Hélas ! les suppléantes, non plus que la principale femme de chambre, ne se soucièrent d’attirer sur elles les coups du fou.