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Quand, vers le soir, Hermann reprit son service, l’agent parut radieux à son supérieur. Il y avait de quoi. Épouvanté par le récit que lui avait fait sa concierge de la venue d’un inspecteur de Mulberry street enquêtant sur son compte, l’agent, soupçonné avec une rare clairvoyance par Dick Fann, avait, de grand matin, fait porter par son épouse au poste de télégraphe le plus voisin, un télégramme ainsi conçu :

« Dakson Loomans, 171, Hicks-street-Brooklyn.
« Office 3 — Entretien urgent — Hermann ».

À onze heures, il s’était rendu au Park Central, s’était rencontré sur le terrain du Ball Ground avec un gentleman de solide carrure, à la soyeuse barbe fauve, l’avait mis au courant de ce qui avait causé ses inquiétudes, puis était rentré chez lui, rassuré, convaincu, avec sa vieille expérience de policier, qu’aucun espion ne l’avait suivi.

Évidemment, il ne pouvait considérer comme espion une grande jeune femme vêtue de noir, assise sur l’un des bancs en bordure du Ball Ground.

Cependant cette jeune femme, probablement, par hasard, se leva quand les deux causeurs se furent séparés. Elle sortit du parc, parcourut plusieurs rues qui l’amenèrent dans Broadway, presque en face de l’immeuble portant le numéro 33, où se tient le consulat d’Autriche-Hongrie.

L’homme à la barbe fauve y arrivait en même temps.

Lui, entra dans les bureaux du consulat ; elle, continua son chemin. À cent pas de là, elle héla un cab et se fit conduire à la Great Central Station. À la consigne, elle retira une malle de cuir attestant un long usage, la fit enregistrer pour New-Haven, puis, gardant à la main un sac de cuir, s’engagea sur les quais, où plusieurs trains se trouvaient en formation.

Qu’était cette femme ? L’indiscret qui eût jeté les yeux sur l’étiquette gommée, collée sur la malle, eût pu lire :

Mathiesel Lutton,
Pour New-Haven. Stone-Hill-Castle.

C’était la femme de chambre envoyée à Mrs. veuve Tolham.