obéissant au Drapeau Bleu, je mécontente sûrement le gouvernement anglais, je perds ma place…
Le Turkmène interrompit la période oratoire de Lydias :
— Nous en serions désolés ; aussi, soyez certain que nous ne nous évaderons pas.
Le métis se livra aussitôt à une mimique désolée.
— Vous ne comprenez pas, vous vous évaderez au contraire… Sans me ruiner cependant. Je m’explique, demain je me marie, j’épouse une young lady ; elle est riche, et la cérémonie célébrée, je suis à l’abri du besoin… Ma position administrative me devient un peu… indifférente.
— Parfait… je saisis…
— Oh ! J’en étais assuré… Rien de plus intelligent qu’un pirate… — Il se reprit vivement : — qu’un gentleman pirate, car on ne saurait s’y tromper, vous êtes un parfait gentleman, et votre compagnon aussi… et ces dames également… Non, je trompe moi-même, elles sont des ladies, des vraies et séductrices ladies.
Il pataugeait, s’embrouillant dans son désir de flatter les captifs. Heureusement Dodekhan eut pitié de lui :
— Voyons ! qu’avez-vous décidé ?
— Ceci… Avant mon mariage, votre fuite serait ma ruine ; après, je m’en soucie comme de la pipe à Cromwell…
— C’est ce que j’avais compris. Veuillez continuer, je vous prie.
— Ainsi fais-je pour vous obéir. Je marie ma fiancée à deux heures passé midi… À ce moment vous sortez tranquillement. Les sicks qui vous gardent sont affiliés, ils ne vous verront même pas ; quant à leur officier, Bulwer, un Anglais, et au personnel de la prison, ils seront à mon hyménée… À cent mètres d’ici vous trouverez des chevaux et des armes.
Les prisonniers se regardaient. Les prévisions de Dodekhan se réalisaient. Log voulait bien décidément les soustraire à la protection anglaise.
Lydias ne pouvait percevoir ces choses. Il demanda du ton le plus flûté :
— Cet arrangement vous convient-il ?
Il fallait répondre. Il fallait affirmer la volonté qui, seule, présentait encore une chance de salut.