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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Lucien, des enfants, se transforme en une exclamation angoissée.

Le long de la muraille, ils viennent d’apercevoir une forme énorme.

C’est le tigre. C’est le dernier représentant de la famille de félins. C’est le mâle qui, sous la clarté dansante des torches, semble s’agiter, se préparer à fondre sur les intrus venant violer sa tanière.

Dodekhan les rassure d’un mot.

— Il est mort… Il a dû être blessé au dehors et est venu mourir ici.

Oui, oui… le tigre énorme… (quel formidable adversaire c’eût été !) est raidi par la mort, dont la cause se montre enfoncée dans son poitrail… C’est un épieu de fer, un de ces lourds épieux que manient les montagnards de la région, un Moris-Gong, qui a traversé le fauve de part en part.

Et le Turkmène désigne des traces de sang qui partent du corps immobile et s’enfoncent en une galerie adjacente.

— Suivons-les, dit-il seulement… Au bout de la piste est l’issue que nous cherchons.

Tous ont compris. Le petit Poucet, de féerique mémoire, guidait sa marche par de menus cailloux. Le sang du tigre sera pour eux l’indicateur de la route accédant a la liberté.

Empressés à l’évasion de ce dédale de nuit, ils s’élancent en courant, à la suite de Dodekhan, précédés par les panthères qui bondissent joyeusement.

Cinquante ou soixante mètres sont parcourus dans la galerie sinueuse, puis tous demeurent saisis, stupéfaits, pétrifiés par la joie, n’osant croire à ce qu’ils voient.

Après un dernier coude, le couloir se présente tout droit, et à son extrémité une clarté dorée flamboie, telle un œil de lumière.

C’est le soleil, c’est le jour !

La course reprend, inconsciente, instinctive… l’orifice semble grandir, la clarté arrive jusqu’à eux, plaquant des taches claires aux aspérités du sous-sol.

Un dernier effort, et les prisonniers seront libres… Ils fouleront l’herbe courte qu’ils aperçoivent… Quoi encore ? Les panthères se replient vivement vers eux avec des grognements assourdis.

On ne saurait douter de leur admirable instinct.