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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

lui la lame d’acier, qui s’enfonce brusquement au défaut de l’épaule.

Un rauquement sourd, une mousse sanguinolente coulant de la gueule ouverte, une contraction dont tout le corps est secoué, et le carnassier ne bouge plus. La pointe du couteau a percé le cœur.

Rassurées maintenant, les panthères noires se glissent auprès de leur ennemi incapable de nuire… Elles flairent le corps, puis regardent autour d’elles avec une expression étonnée. Évidemment, elles ne comprennent pas les incidents qui se sont déroulés devant elles.

Seulement les émotions venant s’ajouter à la fatigue, à la soif, tous se sont recouchés, tous retombent dans un lourd sommeil.

Combien dura cette prostration ? Quand ils rouvrent les yeux, des ténèbres opaques les environnent.

Le foyer s’est éteint depuis longtemps.

Sur l’invitation de Dodekhan, Joyeux frotte une allumette, enflamme une branche. À sa clarté fumeuse, les prisonniers de la montagne, se considéraient.

Ils sont blêmes, leurs regards vacillent. Ils se dressent sur leurs pieds et il leur semble que le sol oscille, leur communiquant un balancement.

Leurs nerfs sont à bout d’énergie. Ils restent là, sans pensée, engourdis dans une demi-veille. Et tous ont un sursaut. La voix de Dodekhan vient de frapper leurs oreilles.

— Écoutez-moi. Nous allons sortir d’ici.

— Sortir ?

— Oui. Les fauves ont travaillé pour nous… Où la tigresse a passé, nous passerons bien… Cette féroce visiteuse nous a tracé le chemin de l’air libre, de la délivrance.

C’est vrai. Comment n’y ont-ils pas songé de suite ? Et tous se précipitent vers le boyau dans lequel ils ont tant peiné.

Mais le Turkmène les arrête.

— Un instant ; nous avons abattu la tigresse, bien ; mais nous risquons de rencontrer le mâle.

— Ah ! gémit miss Sourire, alors nous sommes perdus.

Sans impatience, Dodekhan continue :

— Rassure-toi, petite Peï, — il lui donne ce nom sous lequel il la désignait autrefois. Rassure-toi…