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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

sursaut, se lèvent en désordre, Fred et Zizi ont bondi à la voix de leur petite maîtresse.

Il y a quelques rauquements secs, puis une ruée, un rugissement d’agonie… Les panthères noires ont étranglé le tigre… qui gît sur le sol où sa robe rayée se dessine nettement sous la clarté dansante des flammes.

Comme en un étourdissement, miss Sourire entend ses compagnons s’exclamer :

— Un tigre !

— Tout jeune !

— Par où est-il entré ?

Et brusquement, du couloir foré par les ensevelis, jaillit lugubre, féroce, terrifiant, un rugissement sinistre, haletant.

— La tigresse ! prononce master Joyeux d’une voix incertaine.

La tigresse ! ce mot explique tout. Dans une cavité voisine, une tigresse a établi son repaire. C’est là que les panthères ont enlevé le quartier de yak dont les prisonniers se sont nourris. Un des petits a suivi le chemin malaisé, il a pénétré dans la caverne, il y a trouvé In mort ; mais il a donné de la voix. Maintenant la mère furieuse, altérée de vengeance, s’efforce de se couler par le passage pour secourir son rejeton.

Les panthères, elles aussi, ont reconnu le terrible cri de guerre du plus formidable des félins. Elles se sont réfugiées dans un coin, le poil hérissé ; elles semblent vouloir s’enfoncer dans le rocher.

Brusquement, Dodekhan court au foyer, il en tire une longue branche dont l’extrémité flambe.

— Le tigre ! le tigre ! clame Sourire d’une voix étranglée.

Le Maître du Drapeau Bleu se retourne. La mignonne a dit vrai. La tête énorme de la tigresse paraît à l’orifice du couloir.

Alors c’est une scène rapide, où les gestes vont plus vite que la pensée.

Dodekhan brandit comme une lance la branche enflammée. Il la darde vers le terrible carnassier. Un épouvantable rugissement dont la caverne parait ébranlée, répond à ce geste, et l’énorme corps rayé de fauve et de noir bondit impétueusement dans la retraite souterraine.

Tous se sont groupés dans un angle, croyant leur dernière heure venue.