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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Cet homme ne peut voir souffrir les gens qu’il voudrait guérir sans souffrir lui-même, et chaque désespéré lui cause une angoisse profonde.

M. Maulenc ne s’enfonça pas plus avant dans ces réflexions, il tressaillit en entendant une douce voix murmurer :

— Elle dort toujours ?

C’était Mona qui rentrait.

— Déjà ! fit-il surpris, sa rêverie lui ayant fait perdre la notion du temps écoulé.

— Mais, docteur, dix heures viennent de sonner à l’horloge du Tribunal.

D’un seul mouvement, le médecin se trouva debout…

— Dix heures… alors attention ! Notre malade va se réveiller… Souvenez-vous de mes recommandations… Ayez le courage de la tromper mon enfant…

— Je l’aurai, répondit simplement la jeune fille.

Mais elle s’interrompit et frissonnant :

— Elle a remué !

Elle désignait le lit… En effet Sara venait de lever doucement la main, l’avait portée à son front et l’y promenait lentement, lentement, comme pour en arracher le voile dont sa pensée était obscurcie.

La main de la duchesse retomba mollement ; ses paupières battirent, se levèrent brusquement, démasquant son regard vague, puis elles s’abaissèrent, pour se relever après un instant.

Ses yeux maintenant s’animaient.

D’un mouvement insensible, ils faisaient le tour de la chambre, se fixant sur les meubles, sur la fenêtre.

Évidemment la malade, sortant du long envoûtement du délire, se demandait où elle se trouvait, pourquoi elle s’y trouvait ?

Mona voulut parler. Le docteur l’en empêcha du geste.

Mais ce mouvement avait attiré l’attention de la duchesse. Son regard se posa sur sa compagne ; elle l’examina, avec un léger froncement des sourcils, indiquant l’effort de la conscience renaissante, puis ses lèvres décolorées s’entr’ouvrirent pour un sourire, pour un nom :

— Mona !