Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Nssaï, le héros lamaïque, rampent sur les pentes qui l’entourent.

Il perçoit le glissement flasque de leurs corps énormes, le choc de leurs écailles d’airain, le halètement de leur souffle délétère.

Il frissonne, se sent agité d’un tremblement incoercible. Tout tourne, se brouille, s’entremêle. Enfin, à bout de forces, vaincu par l’épouvante du surnaturel, il s’écroule doucement sur le sol.

L’aube laquait de rose les sommets étagés à perte de vue, quand le géant sortit de l’anéantissement léthargique qui avait succédé à ses visions.

Il se secoua, promena en tous sens des regards surpris, puis rassuré par la clarté du jour, rejetant en leurs retraites ignorées les cohortes diaboliques de la nuit, il s’étira, fit craquer ses articulations, aspira à pleins poumons l’air vif du matin.

Son courage grandissant avec la lumière, il plaisanta :

— C’était un cauchemar.

Aux échos, il lança un rire sonore :

— Un véritable cauchemar. Ce qui prouve bien que les soirées sont faites pour dormir et non pour courir les sentiers de la montagne.

Et prudemment :

— Enfin, j’ai rempli ma mission… Voici les cendres du brasier qui le prouvent… Le reste ne doit pas être connu du Maître. Il se moquerait de mes frayeurs… et parbleu ! il aurait raison.

Sur ce, le géant regagna le sentier difficile par lequel il avait accédé, la veille au soir, au sommet du Fiancé de la Nuit.

La descente lui parut incomparablement plus facile.

Plus de frayeurs, plus de formes inquiétantes supposées tapies dans l’ombre. Le soleil, glissant lentement sur la voûte concave du ciel, chassait de ses flèches d’or les monstres de l’hallucination.

Les ronces violacées, aux fleurs multicolores, entravaient parfois la marche du voyageur, mais il les brisait sans colère. Que lui importait cet obstacle végétal après les horreurs du rêve éveillé d’où il sortait ?

Il parvint ainsi au fond de la passe de Ki-Lua, et d’un pas rapide se dirigea vers la cavité rocheuse où il avait laissé son cheval.