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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Tous frissonnèrent.

L’incident était terrible dans leur situation.

Nul ne doutait que le véhicule avait à peine un quart d’heure d’avance sur ceux qui le poursuivaient certainement.

Être arrêté par le peu de solidité de ce pont, c’était retomber au pouvoir de Log, c’était retrouver la captivité, plus dure, plus étroite.

L’évasion avortée aggrave les tristesses du prisonnier.

Mais déjà Dodekhan avait pris une résolution :

— Vite, quittons l’automobile.

— Mais… voulut protester Sara.

— Silence. Obéissez avant que les ennemis nous atteignent.

Un instant plus tard, tous étaient rassemblés sur la route près du magasin roulant des époux Fullfull.

— Franchissez le pont, ordonna encore le Turkmène.

— Cela ne nous sauvera pas.

Le jeune homme se prit la tête à deux mains, en un geste d’impatience farouche :

— Obéissez donc, gronda-t-il ; avec vos paroles inutiles, vous allez m’empêcher de retarder la poursuite de nos ennemis.

Il n’avait pas achevé que Mona, saisissant les mains de Sara et de Lotus, les entraînait sur le léger pont de bois, qui franchissait une déchirure des rochers, au fond de laquelle mugissait un torrent aux eaux limoneuses.

Lucien suivit. Parvenus de l’autre côté du précipice, tous se retournèrent. Ils virent Dodekhan, qui était rentré dans le car, sauter à terre, s’élancer en courant sur le pont. Mais ils eurent un cri de surprise.

Le chariot semblait s’ébranler derrière le Maître du Drapeau Bleu, il semblait le poursuivre.

Il s’engagea sur le tablier de bambous. Celui-ci fléchit.

Le véhicule avança encore. Soudain un craquement épouvantable se produisit, puis une chute formidable, des chocs, des éclatements.

Le pont avait disparu, entraîné dans l’abîme par le lourd engin des mercantis américains.

Et comme les fugitifs demeuraient là, quelque peu ahuris par l’événement, Dodekhan, qui avait eu juste