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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Les captives, se modelant sur Sara, avaient peu à peu baissé la voix. Sans s’être rendu compte, elles arrivaient à causer presque bas, obéissant à cet instinct d’imitation qui fait que, dans une réunion, on répond par un chuchotement, à la question chuchotée. San ne s’en était point aperçu.

Les coudes sur la table, le menton appuyé dans les mains, il avait fermé les yeux, et sa respiration trahissait un sommeil paisible.

— Il dort, fit Sara.

Et ses compagnes l’interrogeant du regard :

— Savez-vous pourquoi ? En bien, parce qu’il a bu l’eau contenue dans la carafe placée devant lui…

— Comment ? Que prétendez-vous dire ?

— Cette carafe nous était destinée… C’est moi qui l’ai substituée, parce que j’avais vu, sans qu’il s’en doutât, cet homme y jeter une poudre… soporifique, à ce que vous voyez.

— On voulait nous endormir ? se récrièrent les jeunes filles.

La petite duchesse désigna San du geste :

— Ceci vous le démontre jusqu’à l’évidence.

— Pourquoi ?…

— Je l’ignore… Mais le simple bon sens nous indique que l’on ferme les yeux des gens pour les empêcher de voir.

— Voir quoi ?

— En regardant, nous l’apprendrons peut-être.

Puis, saisissant les mains de ses compagnes :

— Écoutez… Je sais bien des choses que je vous dissimule.

— Vous ? — Oh ! pas par défiance, mais par crainte. En parlant, je condamnerais mon mari à mort.

Et avec un soupir :

— Je garderai donc le secret… Mais il est des choses, que votre bourreau n’a point prévues… celles-là, vous les pouvez apprendre vous-mêmes… je vous y aide un peu, voila tout, et vous ne m’accuserez pas…

Elles eurent un oh ! d’énergique protestation.

— Je suis certaine de votre discrétion, reprit la duchesse. Je m’explique à vous, afin que vous n’insistiez pas, s’il m’arrive de vous dire : Je ne puis répondre à telle ou telle question.

Puis changeant de ton :