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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Mona !… Je compris que le Maître du Drapeau Bleu n’était plus tout entier à la cause de l’Asie… Une jeune fille, des boucles blondes, ah ! ah ! Comment occire ses parents, amis, compatriote !… Les doux yeux d’azur adoucissent les mœurs.

— Vous vous trompez, interrompit sèchement Dodekhan. Mon père et moi cherchions la Liberté, mais non la Guerre.

— Cela m’est égal, vous savez. Je poursuis donc. Tandis que vous vous rendiez à Sakhaline pour sauver Mlle  Mona et son père, auxquels les Japonais eussent pu causer dommage ; tandis qu’ensuite, vous vous préoccupiez, en galant discret, à faire pleuvoir honneurs et fortune sur la tête de ces protégés, moi, je travaillais de mon côté.

— Vous trahissiez, voulez-vous dire.

— Eh bien, j’ai tenu aux Japonais et aux Russes un autre langage ! Je veux débarrasser l’Asie des Européens. Vous, demeurez neutres, et nous partagerons ensuite les huit cent millions d’habitants qui la peuplent. — Moscovites ou Nippons aiment mieux cela que vos propositions… Une fois débarrassé des autres, je les précipiterai l’un sur l’autre, et tandis qu’ils s’épuiseront dans une lutte sans merci, j’organiserai mes armées, je construirai des chemins de fer, partant du Pacifique pour aboutir à la Caspienne. Dans cinq ans, l’Asie sera libre ; dans dix, Japon et Russie épuisés m’appartiendront. Dans quinze, je lancerai un flot de cent millions d’hommes sur l’Europe… Une invasion auprès de laquelle celles du passé ne furent qu’enfantillages… et maître de l’Europe qui me donnera l’Afrique, nous serons, nous, les Jaunes, les maîtres du monde. Que pèseront les États-Unis d’Amérique en face de nous !

Le géant s’exaltait à ce tableau. Tout son être frémissait et ses prunelles dardaient des éclairs.

Dodekhan, Lucien demeuraient interdits devant cette soudaine explosion de la haine de la race jaune. Ils pressentaient l’irrésistible poussée humaine qui se produirait à l’appel de l’homme dont la haute stature semblait grandir à leurs yeux.

— Dans trois jours, reprit Log, redevenu calme par un héroïque effort, dans trois jours, il n’y aura plus d’Allemands dans le Chan-Toung. Kiao-Tcheou sera en ruines, ses habitants morts ; dans trois mois, le Tonkin, l’Annam, le Cambodge auront dévoré les