Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

qui va à notre corporation et devait décider de nombreuses sectes à s’affilier… Mon nom seul valait un drapeau… Il semblait logique, équitable, que je succédasse à celui dont j’avais contribué à assurer la puissance… Il en fut décidé autrement par lui… Aveuglé par l’amour paternel, il vous légua la formidable association, comme d’autres lèguent leur or, leur meute ou leurs palais.

Il eut un ricanement.

— Et puis, il vous avait bercé de cette utopie… Fonder les États-Unis d’Asie sans guerres, sans massacres. Vous disiez à la Russie, au Japon : Vous êtes les puissances les plus à portée de faire échec à mes projets. Eh bien, demeurez neutres, je ne ferai rien contre vous ; vous ferez partie du groupement, où votre génie spécial vous attribuera une place enviable… ne m’obligez pas à faire agir contre vous les sociétés secrètes éparses sur votre territoire.

À la France, à l’Angleterre, maîtresses de l’Indochine et de l’Inde, vous avez tenu un autre langage : Vous êtes les nations les plus civilisées du monde. Abandonnez vos possessions de votre plein gré. Les sommes importantes que vous y avez dépensées, vous seront remboursées par les peuples libérés. Un peu d’or, qu’est cela quand il achète la liberté !

Et cela fait, vous vous disiez : Reste l’Allemagne établie au Chan-Toung. Ce pays, lui, est irréductible, il ne comprend que la force… Pourtant je l’obligerai à évacuer ses possessions, non pas par la force, mais par l’irrésistible effort des sociétés secrètes ; je frapperai sa colonisation de stérilité.

Oui, oui, un joli rêve. L’Asie aux Asiates… et cela sans tuer, cela avec le respect philanthropique de la vie.

— Pourquoi détruire la vie.

— Pourquoi ? Parce que l’on ne fonde que dans le sang… parce que les esclaves s’émancipent, non en achetant leur liberté, mais en abattant leurs maîtres ; parce que, enfin, opprimés pendant des siècles, nous Asiates devons, de par la justice d’équilibre, devenir les maîtres, les tyrans même, à notre tour.

Et avec une énergie sauvage :

— Un jour, après une longue marche, nous dormions das une anfractuosité des monts Tzing-Ling ou Montagnes Bleues… ou plutôt je rêvais, auprès de vous qui dormiez… Un nom s’échappa de vos lèvres :