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Il la montrait dans le grand salon Louis XVI, aux colonnes cannelées, avec des « bergeries » peintes au dessus des portes, le plafond d’azur où courait une large couronne de roses soutenue par des amours volants. Dans ce cadre du passé, Lucile se mouvait, grande, souple, ses cheveux châtains relevés en casque, son corps juvénile ondulant en sa robe claire-empire, dont la taille haute se marquait d’un simple ruban de soie.

Et avec la prolixité des cœurs épris, l’officier disait son front pur, ses yeux bleu-clair que lui rappelaient les yeux d’Espérat, son nez fin, délicat, aux narines roses palpitantes, sa bouche s’ouvrant, grenade en fleur, sur la ligne nacrée de ses dents. Et puis sa dignité sereine, sa démarche gracieuse et chaste que Diane eût enviée, et sa voix musicale, enveloppante, harmonie qui parait les idées les plus simples, ainsi qu’une robe bon faiseur, multiplie le charme d’une femme.

Au chevet de l’officier terrassé par le typhus, elle était apparue telle une fée bienfaisante. Sa présence semblait réduire le mal… et ensuite la convalescence ; alors que plongé dans une lassitude délicieuse, le capitaine s’abandonnait, dans un grand fauteuil, à un demi-sommeil sans pensée, sans souffrance, la chaleur tiède des regards bleus se posant sur lui, douce comme un printanier rayon de soleil.

Enfin les aveux balbutiés, s’échappant des lèvres tremblantes, se serrant en vain pour les retenir, et ce cri de la loyale jeune fille :

— Oh ! soyez vainqueurs, rejetez au loin les armées qui se préparent à nous infliger l’invasion… et après, après… ? L’Empereur fera peut-être fléchir le royalisme de mon père, il le décidera peut-être à ne pas sacrifier sa fille au roi.

Pour la France, pour Lucile, Espérat palpitait en même temps. La