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Vivement Espérat vint à lui :

— Tu as une idée ?

— Peut-être.

— Et c’est ?

— De voir l’Impératrice…

Le gamin le considéra avec étonnement :

— Aux Tuileries… ?

— Non, à la Malmaison… oui… elle lui a conservé toute sa tendresse… elle nous recevra… et par elle…

Bobèche parlait pour lui seul ; il semblait avoir oublié la présence de son compagnon.

Celui-ci le tira par la manche et timidement :

— Mais… à la Malmaison… ce n’est pas l’Impératrice…

— Marie-Louise d’Autriche… certes, non. C’est l’Impératrice française, Joséphine de la Pagerie de Beauharnais. La raison d’État l’a faite répudier en 1809 par Napoléon, mais elle a conservé le titre d’Impératrice ; plus que cela, la confiance de l’Empereur, et l’Autrichienne lourdement frivole n’a pu la chasser du cœur de celui qui mène la France.

— Ainsi, d’après toi, elle consentirait…

— À tout pour le préserver du danger.

— C’est une brave femme.

— Oui, Espérat, une brave femme, à qui le peuple a décerné un titre plus doux, plus glorieux que la couronne elle-même.

— Dis… je ne sais rien, moi qui arrive de la province.

— On l’appelle : la bonne Joséphine.

Et brusquement :

— C’est convenu. Nous irons demain à la Malmaison. Je ferai prévenir Dromale…

— Dromale ?

— Mon directeur, qu’il ne compte pas sur moi. Et maintenant que nous nous occupons de politique, n’oublions pas le souper, c’est la politique de l’estomac.

D’une voix de stentor Bobèche cria :

— Sophocle, Sophocle.

Et comme Espérat, ravi des résolutions prises, riait :

— Qu’as-tu, mon vieux Milhuitcent, demanda le pitre ?

— Il me paraît amusant, que ta servante ait le nom du grand poète tragique grec.

— Elle ne l’a pas, malheureux… Son patronymique est Sophie.