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— Nous la ramènerons.

— L’ennemi y est déjà sans doute.

— Nous le chasserons. À ma voix toute la population parisienne se lèvera et refoulera les alliés hors des murs.

— Trop tard, Sire, l’infanterie nous suit,… d’ailleurs la capitulation signée nous interdit de rentrer dans Paris.

— Vous avez signé cela… Vous êtes donc des lâches ?…

— Comme de braves gens qui ne pouvaient plus agir autrement.

Napoléon marche toujours vers sa capitale. Ira-t-il seul arracher Paris à l’ennemi victorieux ?

Hélas ! un nouveau venu paraît.

C’est un officier d’infanterie, Curial. Les troupes de ligne sont tout près, à quatre lieues de la capitale dans laquelle il n’est plus temps de retourner.

Alors vaincu, l’Empereur s’arrête et promène autour de lui un regard désolé. Il sembla vouloir fixer en sa mémoire le cadre dans lequel tombe son inoubliable épopée.

Il est sur la route de Juvisy, que de grands arbres bordent, dont le branchage bruit sous la caresse du vent. Les deux fontaines, que naguère il a fait réparer sur les fonds de sa cassette particulière, laissent couler leur filet d’eau avec un clapotement mélancolique.

Et là-haut, au fond du ciel sombre, de grands nuages déchiquetés se précipitent dans la direction de Paris.

Rien ne les arrête, eux. Ils planeront sur la capitale où il est interdit au souverain de rentrer.

Napoléon s’asseoit sur le rebord d’une des fontaines. Il cache son visage dans ses mains.

Personne ne parle, personne ne bouge. À quelques pas, Caulaincourt, Espérat, pleurent silencieusement, rapprochés par un secret instinct qui les avertit qu’eux au moins appartiennent toujours corps et âme à l’invincible aujourd’hui vaincu.

Ils sont exténués… ils ont fait soixante lieues à cheval ou en chaise de poste… ; mais ils ne songent pas à la fatigue. Est-ce que le Maître, qui a peiné comme eux, y songe, lui.

Quelle tempête gronde sous le crâne impérial ?

Que va-t-il sortir de cette méditation ?

Une demi-heure se passe ainsi. Enfin Napoléon se lève.

— Y a-t-il une maison où je puisse m’abriter, demande-t-il ?