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ces pauvres gens de savoir si les salves d’artillerie avaient annoncé la capitulation de Paris, le triomphe des Bourbons, et par ricochet le sien propre, d’Artin prit congé de Lucile et continua sa route.

Alors le visage de la jeune femme s’éclaira.

— Monsieur, Madame, dit-elle doucement à ses hôtes. Mon… mari — elle dut faire effort pour prononcer le mot — mon mari vous a sans doute dit qu’il m’attendait.

— Oui, Madame.

— Séparés brusquement au moment de notre union, nous n’avons pu nous parler, apprendre à nous connaître. J’éprouve donc un trouble violent à la pensée de notre première entrevue, et la présence de tiers augmenterait encore mon embarras.

— Bien ! bien ! plaisanta la vieille paysanne,… les jeunes personnes sont ainsi ;… moi aussi j’ai eu de ces idées-là autrefois… il y a bien longtemps.

— Vous me comprenez, reprit Lucile… En ce cas, vous exaucerez ma prière.

— Vous êtes trop mignonne pour que l’on vous refuse quelque chose.

— Vous êtes bonne, Madame… Merci ;…cela me donne le courage de parler. Je souhaiterais donc que cette maison me fût abandonnée jusqu’à demain.

— Que nous partions alors ?

— Je vous en prie.

— Où irons-nous ?

— Dans le voisinage… vous devez savoir… vous qui êtes du pays.

Les vieux se consultèrent du regard.

Enfin la vieille murmura :

— Oh ! ce n’est pas l’embarras,… à la poste, on aurait bien une chambre, seulement…

— Seulement, il faut payer, n’est-ce pas ?

— Oui, ma petite dame.

Lucile présenta une pièce d’or à son interlocutrice :

— Cela suffira-t-il ?

L’or était rare à cette époque. Le couple poussa un cri avide :

— Quoi ? Vous voulez…

— Vous remettre ce napoléon, oui,… et puisque la chose vous plaît, vous en offrir quelques autres en souvenir de l’étrangère qu’aura abritée votre toit.

Présentée en ces termes, la transaction s’effectua sans difficulté. Les