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— Il s’agit du capitaine Marc Vidal, murmura-t-elle d’une voix étranglée, du capitaine retenu contre le droit des gens…

— À la ferme Éclotte, à cent pas d’ici ; oui, Mademoiselle.

— Il est jugé… gémit Lucile en se levant ?

— Non, Mademoiselle, pas encore.

— Non… Oh ! vous me trompez… Les vôtres, qui l’ont capturé par surprise, qui ont inventé contre lui une monstrueuse accusation d’espionnage, l’ont condamné.

Et sans permettre aux visiteurs de placer un mot, elle continua avec une exaltation croissante :

— Ah ! vous êtes bien mes amis, comme vous l’affirmiez audacieusement. Un officier vient voir celle qu’il rêve de prendre pour femme, sa fiancée. Il est loin de ses soldats, de tous ceux qui le défendraient ; on le prend par surprise, et comme on a peur de lui, que l’on veut à tout prix le faire disparaître, on dit, malgré les preuves, malgré le serment sacré d’un père : c’est un espion,… et on le condamne… On appelle jugement une parodie de la justice, juges, des assassins… !

— Eh ! Mademoiselle, il n’a pas été traduit devant un conseil de guerre, clama brutalement de Humboldt.

— Non, non, appuya le banquier.

Elle les considéra d’un air de doute.

— Non, reprit le Prussien avec force. Grâce à nous, le tribunal militaire n’a pas été appelé à statuer,… par bonheur pour le capitaine Marc Vidal ; car fût-il mille fois innocent, les apparences le condamnent… S’il est jugé, il est mort.

Lucile se voila la figure de ses mains :

— Affreux ! affreux !

— Je pense comme vous, Mademoiselle ; aussi viens-je essayer de sauver ce malheureux officier.

— Mais il est innocent.

— Je le crois puisque vous l’affirmez… Seulement, un conseil de guerre ne saurait tenir compte de l’affirmation, réputée intéressée, d’une fiancée.

— Que l’on entende mon père.

— M. le comte de Rochegaule a quitté son château, congédiant tous ses serviteurs, et l’on ignore ce qu’il est devenu.

La jeune fille se tordit les mains :

— Mon père a répondu de la loyauté de M. Marc Vidal, en présence de mon frère, le vicomte d’Artin.

— Le vicomte nie cela.