Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et demie, les trente kilomètres qui séparent cette ville de Vitry-le-François furent franchis.

À Vitry l’Empereur s’arrêta et s’adressant au maréchal Victor :

— Partez… Prenez-moi Saint-Dizier aujourd’hui même ; j’attends de vos nouvelles ici.

— Bien, Sire, répondit simplement l’officier.

Et il se sépara de l’escorte.

Milhuitcent avait entendu. Il poussa son cheval près de celui de Napoléon :

— Sire, fit-il d’un ton insinuant !

— C’est toi. Que veux-tu encore ?

— Savoir si vous avez besoin de moi.

— Non.

— Alors permettez-moi de galoper jusqu’à Saint-Dizier.

— Pourquoi ?

— Pour voir la bataille et vous rapporter les informations. Cela évitera à Victor de distraire un de ses aides de camp…

L’enfant s’arrêta. L’Empereur souriait, et il rassura de suite son jeune interlocuteur :

— Va donc. Seulement, ménage-toi… Car je te réserve une mission.

S’inclinant, le gamin murmura :

— Je suis à vous, Sire.

Puis, enfonçant ses éperons dans les flancs de son cheval, il partit à fond de train.

Maintenant il parcourait la route de Saint-Dizier. De chaque côté, les arbres, les plaines restaient en arrière, semblant filer avec une rapidité vertigineuse en sens inverse de la marche du cavalier.

La monture, sans cesse excitée, fila en vue du village de Thiéblemont, franchit le ponceau jeté sur la rivière d’Orconte. Dans sa course folle, elle longea les mûrs du parc de Rochegaule, la grille d’entrée, passa comme un éclair devant la maisonnette de Marion Pandin.

Une fenêtre était ouverte. Espérat crut apercevoir la pauvre femme à l’intérieur.

Mais cette vision fut si rapide que le cavalier n’aurait osé affirmer avoir bien vu.

Les lieux familiers se succédaient à présent. La Croix des Cosaques, le village de Perthes, son auberge, au seuil de laquelle le jeune garçon avait rencontré le pope Ivan, le bois où les soldats de M. de Lamartine l’avaient arrêté.