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Henry fit un pas en arrière, son visage se couvrit d’une pâleur livide :

— Ma mère…, vous savez… ?

— Je t’ai vu prier à la Croix des Cosaques, j’ai entendu ta conversation avec celui que tous croient ton frère.

— Ah ! je suis perdu, gémit le blond enfant en se cachant la figure dans ses mains.

— Non… Marion a eu confiance en moi…

— Elle ?

Le chevalier découvrit son visage, enveloppant son interlocuteur d’un regard aigu.

— Il faut que tu aies confiance aussi. Je me tairai, je serai ton ami… et tu ne me trahiras pas.

Le regard limpide d’Espérat disait la loyauté, la franchise. Mirel le sentit avec cet instinct de la jeunesse que le raisonnement de l’âge mûr ne remplace pas.

— Je vous crois… Entrez.

D’un bond, Milhuitcent fut dans la pièce et saisissant les mains d’Henry :

— Écoute… J’oublierai ce que je sais, tu conserveras ton titre.

— Ah ! ne dites pas cela ; je voudrais le quitter.

— Toi ?

— Oui, mais en le rejetant je condamnerais ma pauvre mère…

— Qui t’a substitué au véritable Henry de Mirel.

L’enfant eut un geste d’horreur :

— Elle…, non, non…, ce n’est pas elle… ; mais on l’accuserait.

— Qui donc a commis le crime ?

— Qui… ? Vous ne le savez pas… ; vous me trompiez donc tout à l’heure… ? pour qu’il nous brise, lui qui est sans pitié.

— Ah ! c’est encore d’Artin.

Mais Henry appliqua sa main sur la bouche du jeune garçon :

— Taisez-vous. Taisez-vous… Il nous écoute peut-être, fit-il avec terreur.

Milhuitcent se dégagea et tranquillement :

— Il faut pourtant bien que j’en parle, car je veux lui arracher les prisonniers qu’il a faits au château de Rochegaule.

— Les prisonniers ?

— Et tu m’aideras… Où est-il, lui ; où sont-ils, eux ?

Une épouvante indicible se peignit sur la physionomie de Mirel, et aussi une stupéfaction profonde. Terrorisé pas le vicomte, il considérait