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LE LIT DE DIAMANTS.

Liesel et son père leur ont donné une utilisation pratique. Elles servent d’alcôves. La jeune fille en désigne une à son compagnon :

— Vous serez bien là. J’y ai mis une couverture de poil de chèvre et des feuilles sèches. Une couche exceptionnelle pour un coureur de brousse.

— Je vous remercie, Mademoiselle, commence Tril pour dire quelque chose.

— Pourquoi remercier ; le devoir des hôtes est de rendre le séjour aussi peu pénible que possible. Qu’ai-je fait d’autre ?

Puis arrêtant les paroles sur les lèvres de son interlocuteur.

— Nous causerons demain ; dormez ; moi aussi je souhaite le repos.

Sans observation, le jeune garçon prend possession de la niche désignée. Il s’allonge sur le matelas de feuilles sèches qui craquettent sous son poids. Il s’enveloppe de la chaude couverture. Il ferme les yeux. Mais sous ses paupières, imperceptiblement soulevées, filtre un regard perçant.

Liesel a gagné une excavation située de l’autre côté de la salle. Une étoffe clouée à la partie supérieure forme rideau, isolant « la chambre à coucher improvisée » de l’étrange fille.

Elle disparaît derrière ce rempart flottant, et le silence règne, troublé parfois par des murmures inexplicables, plaintes incomprises de la pierre, que poignardent les racines des arbres érigés sur le temple.

Au surplus, des bruits moins troublants succèdent bientôt. On marche dans le couloir accédant au dehors. Von Karch et le vieux comptable entrent. Ce dernier désigne le rideau retombé devant l’anfractuosité où a disparu Liesel, puis le jeune Américain immobile :

— Ils dorment. Faisons-en autant.

— Non, je dois recevoir le rapport de mon fidèle Pétunig ; que cela ne vous lie pas, cher monsieur Tiral, goûtez le repos. Au surplus, en attendant, j’aurais à mettre en ordre quelques notes, donc je vous en prie…

Tiral a sur les épaules la fatigue du jour et la brisure des ans. Il se laisse facilement persuader. Un instant plus tard, lui aussi, s’est assoupi dans un angle, lui aussi a perdu la conscience de vivre.

Tril regarde toujours.

Von Karch s’est installé près du cube de porphyre. Un carnet est ouvert devant lui. À l’aide d’un stylographe, il écrit. Pas bien longues les notes annoncées. En quelques instants il a terminé. Il coupe soigneusement la feuille couverte d’écriture, l’agite afin de la sécher, la plie.

Carnet et stylographe sont réintégrés dans sa poche. Il attend, sans impatience d’ailleurs, car un sourire narquois flotte sur ses lèvres épaisses, élargissant encore sa face grasse.