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L’AÉROPLANE-FANTÔME

dédale de canaux souterrains, où il vous aurait mise à mort, sans que je pusse vous secourir.

— Mais mon père, mes frères… ?

— Séparés de vous, ils seront épargnés.

— Comment, dites, je vous en prie, François ; mes idées se brouillent. Je suis heureuse de vous voir là près de moi et je tremble pour eux. Ah ! parlez ; je vous croirai. Rendez-moi la lucidité d’esprit.

Toute la tendresse de la jeune fille vibrait dans cet appel à l’ingénieur. Elle lui remettait le soin de diriger sa pensée, avec la plus adorable confiance.

— Parlez et je croirai.

Et François ému jusqu’aux larmes, expliquait, s’efforçant de donner à son raisonnement la précision mathématique semeuse de conviction.

— Pour des gens comme nous, Édith, comme vous, comme votre père, la mort en elle-même est peu de chose. Elle nous inspire la terreur, alors surtout qu’elle frappe nos aimés. Notre crainte du trépas n’est pas en nous, elle nous est extérieure, si je puis dire ainsi.

— Dites, dites, François, je vous comprends.

— Von Karch est un coquin trop remarquable pour ne pas sentir cela. Aussi, son but, en vous prenant comme otages, a été, non seulement de parer mes coups, mais encore de me vaincre.

— De vous vaincre, se récria-t-elle dans un magnifique élan, tout son cœur se révoltant à l’idée que l’élu de sa tendresse pût succomber dans la lutte entreprise au nom de la justice !

— En me frappant au cœur, Édith. Pourrais-je songer à me réhabiliter de l’accusation qui pèse sur moi, si votre existence devait être la rançon de mon honneur ?

Elle le considéra avec un adorable sourire. Comme il était à elle ! Enfin, elle dit doucement, parlant ainsi que l’on parle en rêve.

— Vous le devriez, mais je comprends que vous ne le pourriez pas.

— Eh bien, cet homme a la faiblesse de tous les êtres vils. Il croit ma volonté subordonnée à votre seule existence. Il me juge comme il se jugerait lui-même ; le danger de votre père, de Péterpaul, de Jim, selon lui, n’arrêterait pas ma vengeance. Vous seule lui garantissiez un rempart invincible. Voilà pourquoi j’ai voulu vous tirer de ses mains.

— Mais s’il ne considère pas mon père et mes frères comme des otages suffisants…

François l’interrompit :

— Je suis deux en une seule âme, Édith, je suis moi, mais je suis vous :