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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Je suis heureuse, bien heureuse ! Lisez le journal, l’article encadré de crayon bleu.

Une hésitation se peignit sur les traits de l’Allemande.

— Vos secrets sont à vous ; moi, je suis la fille de votre ennemi !

Édith l’interrompit :

— Sœurs de douleur, soyons sœurs dans la joie. Lisez, je vous en prie.

Et Margarèthe ne résista plus ; elle déploya le Hamburger Tagblatt ; à la troisième page, sous la rubrique : « Informations locales », un entrefilet apparaissait, cerné d’un trait de crayon bleu. La jeune femme lut :

« Toujours les hommes volants. — Après Berlin, Hambourg est honoré de leur visite.

« On se souvient de l’incident étrange qui, il y a cinq jours écoulés, mit en émoi la cour tout entière. Un homme, volant entre ciel et terre, fut aperçu par un factionnaire. Le soldat fit feu, et toucha le mystérieux visiteur, car une traînée sanglante macula la muraille.

« Cependant, l’inconnu disparut dans les airs. Or, hier dans la soirée, un jeune étranger, dont l’identité n’a pu être établie, se prit de querelle avec l’équipage d’un vapeur, actuellement amarré dans le bassin Binnen. Se sentant le plus faible, ou peut-être, obéissant aux injonctions d’une conscience peu nette, il s’enfuit poursuivi par ses adversaires.

« Acculé à l’extrémité du môle Kerwieter, il allait être appréhendé, quand, au milieu d’un vacarme assourdissant, précédé par une rafale qui abattit tous les assistants sur le sol, une trombe, un bolide, quelque chose d’incompréhensible et d’inexplicable passa.

« Le jeune étranger fut enlevé, disparut dans les airs.

« D’aucuns n’hésitèrent pas à attribuer l’événement à un sortilège ; pendant longtemps encore, les populations de la Sainte Allemagne sacrifieront aux superstitions ataviques d’une race grandie dans l’amour des légendes.

« Pour nous, l’aventure est due à une volonté humaine, aidée du plus formidable engin qu’ait jamais créé la pensée d’un mortel, et pour tout dire, nous n’hésitons pas à affirmer que les poursuivants du fuyard inconnu ont assisté à une nouvelle manifestation du personnage énigmatique, que toute la Germanie connaît sous le nom bizarre de « Miss Veuve ».

L’article finissait là, Margarèthe regarda Édith, elle murmura :

— Cinq jours après celui où… (elle hésita, n’eut pas le courage de dire : mon père, et reprit)… l’on prétend qu’il fut tué.

— Oui ; mais ce n’est pas tout ; voyez au-dessous, deux lignes au crayon. En effet, la jeune femme distingua les lignes tracées légèrement. Et elle lut