Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
345
LE LIT DE DIAMANTS.

— J’ai confiance. Je sais que vous ne me trahirez pas. Cette fillette, vous l’avez vue. Qui est-elle ? je l’ignore ; mais je ne puis m’empêcher de penser qu’elle m’est amie.

— Alors ce journal ?

— Elle me l’a jeté, profitant de l’inattention de nos gardiens. Et ses lèvres ont remué ; je crois avoir compris qu’elle me disait : « Lisez seule ».

— En ce cas, conseilla Marga qui, accoutumée à la vie d’intrigue, possédait un réel sang-froid, faites disparaître ce papier.

— Vous avez raison ; je vous remercie.

Le journal, réduit au plus mince volume, disparut dans le petit sac de cuir vert que, par habitude de citadine, la jeune fille avait emporté machinalement au moment de monter sur le pont. Mais une agitation fébrile se trahissait chez elle. Cinq minutes s’étaient à peine écoulées, qu’elle faisait mine de se lever.

— Rentrons à la cabine, Margarèthe, le voulez-vous ?

— Je veux tout ce qui vous sera agréable, cependant laissez-moi vous donner un conseil.

— Je sais qu’il sera dicté par votre cœur, aussi j’écoute.

— Peut-être des amis trament-ils quelque chose en votre faveur, Édith ?

— Je l’ai pensé ; mais quels amis ? Le seul qui eût pu me sauver, n’est plus.

— Enfin, admettons la chose. Pour que leur plan réussisse, il convient que la méfiance de votre entourage ne soit pas éveillée. Il faut donc éviter tout ce que nos surveillants peuvent supposer n’être pas naturel. Or, est-il naturel qu’une captive, à qui l’on permet de respirer, d’être presque libre, abrège cet instant de répit.

Édith inclina doucement la tête.

— J’obéirai à ma sœur.

Les mains des deux passagères se cherchèrent, s’unirent en une muette étreinte, où se confiaient l’une à l’autre ces femmes que leur origine eût dû à jamais séparer.

Et elles restèrent ainsi, ne parlant plus, se laissant engourdir par le clapotis berceur des courtes houles du port venant se briser contre le quai.

La grande chaleur du jour pesait sur la terre ; des murmures de guitares, de pianos, s’épandaient dans l’atmosphère, s’échappant des interstices des stores baissés dont s’aveuglaient les fenêtres des maisons claires.

Les porte-faix, nus jusqu’à la ceinture, le torse revêtu d’un enduit de