Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/341

Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
LE LIT DE DIAMANTS.

encore, sans se douter que les passagers de l’aéroplane avaient trouvé un abri sous leur toit.

Le jour avait grandi quand ils dominèrent la côte basse et sablonneuse, à travers laquelle l’Elbe se fraie un passage vers la mer. Leurs regards attirés invinciblement vers le large, cherchaient, sur les eaux glauques, un point blanc, une fumée décelant la présence du steamer Fraulein. Ils n’aperçurent rien. En vain, l’appareil décrivit de longs cercles au-dessus de la mer du Nord. En vain, il s’éleva à grande altitude, afin d’élargir son horizon. Le Fraulein demeura invisible.

Le malheur, que chacun redoutait à l’avance, s’était produit.

Le navire de Von Karch avait commencé son voyage vers une destination ignorée. La trace du misérable était perdue. Et avec lui, Miss Édith, sa famille, disparaissaient.

La rentrée à la ferme fut triste. Tous songeaient à l’ingénieur, qui reviendrait à la vie pour connaître une souffrance nouvelle !

Deux jours se passèrent ainsi. Le docteur venait chaque matin. Il constatait l’amélioration persistante. Il annonçait le réveil prochain au sentiment. Et les dévoués rassemblés à la ferme, qui naguère appelaient de tous leurs vœux le retour du blessé à l’intelligence, avaient maintenant la terreur de voir approcher l’instant où, sortant de l’anéantissement, François les interrogerait.

Dans l’après-midi du second jour, Tril et ses amis se trouvèrent rassemblés dans la chambre du blessé. Tril parlait à voix basse :

— Martins, à qui j’ai télégraphié à Plymouth, n’a pas répondu. Donc il ne sait rien. Von Karch lui a échappé, tout comme à nous-mêmes. Comment a fait ce vilain homme ? Mystère. Le certain, le voici : sa trace est définitivement perdue. Avouer cela à notre malade…

Un silence suivit. Tous s’interrogeaient du regard. Souvent déjà la question avait été formulée, demeurant sans réponse. Et les yeux pitoyables se fixaient sur la forme rigide moulée par la blancheur des draps.

À ce moment, la porte tourna sur ses gonds, démasquant les petites Polonaises, Mika et Ilka, qui, se tenant par la main, montraient leurs gentilles frimousses éclairées par un sourire gêné et mystérieux.

— Pas ici, chuchota Vaniski en se levant : les enfants n’ont rien à faire dans la chambre d’un malade.

Ilka agita sa tête blonde, comme révoltée pour une remontrance imméritée.