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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Un soupir passa dans l’air. On eût cru que toutes les poitrines se dégonflaient.

— Espérez, répéta le médecin, mais soyez prudents. Aucun bruit autour du malade, aucun. Le moindre ébranlement nerveux suffirait à déterminer une issue fatale.

— Mais, hasarda Vaniski, est-ce qu’il ne va pas sortir de cette…

— Léthargie, c’est un cas de léthargie. Ne désirez pas qu’il en sorte trop tôt. Je pense qu’il demeurera ainsi pendant quelques jours encore, et soyez-en satisfaits. Après la secousse qu’il a éprouvée, rien ne saurait être plus heureux. Son inconscience momentanée lui évite la fièvre consécutive des blessures, fièvre qui est le véritable danger. Nous pourrons le nourrir. Bouillon, jus de viande, je vous ferai l’ordonnance. Nous rendrons des forces à l’organisme, sans que la pensée vienne à l’encontre de nos efforts.

Le docteur se souvint qu’un autre malade attendait sa visite ; il se hâta d’établir son ordonnance et partit en homme pressé.

Ketty s’était offerte à préparer les aliments que devait absorber le blessé, et naturellement Joé s’était senti une vocation irrésistible pour l’art culinaire.

Accompagnés de Mika et d’Ilka, ils avaient gagné la cuisine, tandis que Vaniski, réglant son pas sur celui du fermier Danerik, faisait avec ce dernier une tournée d’inspection du domaine.

Klausse, lui, en amateur de bon lait, se promenait dans la cour aux abords de la laiterie, et Suzan, assise sur un banc, devant la fenêtre de François, se demandait, pour la millième fois peut-être, où, en quel endroit son cher Tril pensait à elle ?

Tout à coup la fillette releva sa tête pensive. Un pas lourd résonnait sur la terre. Un homme en blouse, un gros bâton à la main, venait de franchir la porte charretière de la ferme. Sur sa casquette se lisait ce mot : TELEGRAF.

Un télégraphiste suppose l’arrivée d’une dépêche. Le cœur de Suzan se prit à, battre éperdument, l’homme demanda de sa voix indifférente :

— M. Danerik, pour Vaniski ?

— C’est ici ; seulement M. Danerik est dans les champs !

— Oh ! ça ne fait rien. Je vais vous laisser le télégramme, cela m’évitera de revenir.

Il souleva sa casquette, lança un aimable :

— À se revoir, Mademoiselle et la compagnie.

Et s’éloigna pour continuer sa tournée.