Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/325

Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
LE LIT DE DIAMANTS.

les alignements de réverbères des larges voies de Rodingsmarkt, de Delchstrasse, de Schaarstien Weg, etc. Et par delà les môles, les jetées, le petit distinguait d’autres môles, d’autres quais marqués dans l’obscurité par des rangées de feux donnant l’impression d’une cité géante, s’étendant toujours plus loin, longue comme le fleuve lui-même, dont le courant faisait gémir les membrures des bâtiments à l’ancre dans la rade de Niéder.

Un moment, il resta immobile, saisi par ce spectacle, disant la puissance commerciale géante de la ville orgueilleuse, qui s’intitule le grand entrepôt du négoce de l’empire. Mais une chose importait en cet instant : savoir où se tenait le chauffeur Niklobbe, seul obstacle qui se pût dresser entre le gamin et le quai. Il ne l’aperçut pas sur le pont. S’il se montrait, Tril en serait quitte pour courir. Le gamin se sentait de taille à distancer à la course le plus agile des matelots teutons.

— Allons, assez tergiversé ; le télégraphe m’attend.

Tout en parlant, le brave garçon rampe hors de sa cachette ; il foule le plancher du pont. Il contourne l’habitacle, la roue du gouvernail. Toujours pas de Niklobbe.

Voici la cabine du pont, naguère occupée par l’espion, et dont le vitrage dépasse le plancher avec une allure de grosse lanterne quadrangulaire. Elle est presque en face du vide ménagé dans le bastingage pour effectuer les débarquements. Tril se lance, mais brusquement il s’immobilise.

— Ah ça ! on ronfle dans la cabine. Est-ce que ce coquin de chauffeur aurait établi ses quartiers de nuit dans la chambre de son armateur ?

À pas de loup, il se glisse vers la porte. Elle est entr’ouverte. Il coule un regard dans l’intérieur. Sur le divan, Niklobbe dort avec tranquillité.

Le gamin sourit, tire doucement la porte à lui, la referme, donne un tour de clé, et, ravi de sa plaisanterie, gagne la coupée en sifflotant.

— By devil ! (Par le diable).

L’exclamation américaine lui échappe ! Un homme vient de se dresser devant lui, lui barrant le passage. C’est le capitaine Walter. Celui-ci est visiblement étonné de voir un jeune garçon inconnu débarquer de son bateau.

— Qu’est-ce que vous faites là ?

Si Tril hésite, il est pris ; mais sa vie errante l’a accoutumé à ne s’étonner de rien.

— Je parlais au chauffeur Niklobbe, répond-il délibérément.