Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/324

Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
L’AÉROPLANE-FANTÔME

La Luisa frémissait sous la rotation de l’hélice remise en marche. Elle prolongeait lentement le steam-yacht, dont le bordage dominait son pont de plus de trois mètres.

On apercevait les matelots et les passagers du yacht penchés sur le bastingage, saluant une dernière fois ceux qui retournaient vers la terre allemande. Mais les yeux de l’Américain rencontrèrent une bouée, sur laquelle huit lettres formaient le mot Fraulein.

— Fraulein, murmura l’enfant ; voilà le nom du bateau blanc. Hip ! hip ! hurrah ! désormais je pourrai l’annoncer dans le monde.

À toute vapeur, la Luisa piquait à présent vers la côte basse et estompée de brume, qui indiquait l’estuaire de l’Elbe.

Le soir même, le steamer s’amarrait à quai du bassin de Binnen, non loin du pont de Schaant, jeté sur le canal de la Kleine Alster.

À peine à quai, les feux éteints, le capitaine Walter, le timonier Elmans et l’un des chauffeurs-mécaniciens abandonnèrent le steam à la garde du second chauffeur, un gros garçon naïf, originaire de Westphalie, enrôlé à cause de l’euphonie de son appellation.

Son premier chauffeur et chef se dénommait Klobbe ; lui répondait au vocable de Niklobbe.

Un seul homme à bord. Tril constata qu’il lui serait aisé de gagner la terre ; car il voulait débarquer maintenant pour expédier deux télégrammes, dont l’un à l’adresse de François de l’Étoile.

Avec la confiance robuste de la jeunesse, le petit Américain, après avoir supposé la mort de l’ingénieur, avait fini par se déclarer que cela ne pouvait pas être, parce que cela ne serait pas juste. Et fort de l’affirmation pourtant contestable, il s’était fait ce raisonnement :

— L’aéroplane marche dix fois, quinze fois plus vite que le plus rapide steamer. Donc, quelques heures d’avance accordées au « Fraulein » ne sont rien. Seulement pour que l’appareil volant le joigne, il faut que M. François soit prévenu de son existence. Voilà justement le difficile. Où le prévenir ?

Alors le gamin s’était souvenu que Vaniski et ses filles se trouvant sur l’aéroplane, on les conduirait forcément en Danemark, à Weeneborg, dans la ferme du brave Danerik. Il adresserait donc son télégramme à la ferme.

Donc, Tril souleva doucement le prélart abritant son refuge, et promena un regard investigateur aux alentours.

Les lumières éclairaient les quais, accusant la forme de quadrilatère irrégulier du bassin Binnen, centre d’où radiaient, tels les rayons d’un astre,