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LE LIT DE DIAMANTS.

pommes de terre, plusieurs tranches de jambon et l’une des bouteilles de vin. Il devenait une sorte de Robinson du canot.

À l’aube, nouvelle station dans le voisinage d’une cité importante. Quelle était cette cité ? Tril n’eût su le dire ; le hasard voulut qu’aucun passager du vapeur n’en prononçât le nom à portée de ses oreilles. La journée s’écoula comme celle de la veille. Un seul moment, l’intérêt du brave garçon fut provoqué par une question du pilote à l’un des forbans remplissant à bord les fonctions d’officier.

— Où allons-nous au juste ? avait demandé l’homme de barre.

Son interlocuteur haussa les épaules :

— Au juste, on n’en sait rien. Autant que j’ai pu comprendre, nous gagnons l’embouchure de l’Elbe, sur lequel nous flottons actuellement.

— Au port de Hambourg, en ce cas ?

— Non, non. Nous n’irons là qu’au retour.

— Comment, nous reviendrons ? Je croyais que l’on se sauvait devant ce damné Miss Veuve.

— Nous, nous reviendront ; mais nous seuls.

— Ah ! je comprends. Herr Von Karch, sa fille…

— Et les prisonniers anglais, mon gars, ne les oublie pas, seront remis à un superbe steam-yacht de deux mille tonneaux qui doit croiser dans la mer du Nord. Il nous attend et il attend également une dépêche par télégraphe sans fil qui lui sera expédiée par un nommé Brumsen.

— Brumsen, je connais ; j’ai travaillé avec lui.

— Eh bien, tu es plus avancé que moi. Je te fais grâce d’une histoire embrouillée dans laquelle je ne vois pas clair. Il y a là-dedans un nommé Tiral et une demoiselle Liesel. Bref, la dépêche doit indiquer vers quelle direction marchera le steam-yacht.

L’officier s’était éloigné sur ces mots. Le plus intéressé à son discours avait été sûrement Tril, qui murmurait avec une rage d’autant plus violente que les circonstances l’obligeaient à demeurer silencieux :

— Il a tout prévu ! En pleine mer ; une dépêche sans fil. Alors, quoi ! je me serai donné tant de mal pour rien. Oh ! si je pouvais rallier Hambourg.

Il s’appliqua un coup de poing sur le front.

— Tril, mon garçon, tu es stupide. Il faut aller jusqu’au bateau qui attend les coquins et les victimes. Comme cela je relèverai son nom ; tous les bateaux ont un nom ! Et un vapeur de deux mille tonneaux, quand on sait comme il s’appelle, ça se retrouve toujours.

Apaisé par ces réflexions, le courageux petit bonhomme attendit la nuit.