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MISS VEUVE.

— Eh bien, fit-elle, il y a encore une chose obscure dans mon esprit. Les Allemands, par l’intermédiaire d’un misérable nommé Von Karch, ont volé tous les plans de Sir François de l’Étoile, n’est-ce pas ?

— Oui, tous.

— Alors, comment ont-ils réalisé un aéroplane qui ne ressemble pas plus à celui-ci que le jour à la nuit.

— Pourquoi ? Parce que dans les plans dressés par celui que tu viens de nommer, ne figuraient que les détails. Les Allemands ont tous les détails, tous, mais ils n’ont pu les comprendre, les relier les uns aux autres. Pour ce faire, une épure d’ensemble était nécessaire ; or, cette épure existait seulement dans le cerveau de l’inventeur.

Et, une ironie mordante dans la voix :

— Veux-tu une preuve de leur aveuglement ? Ils se sont surchargés de moteurs, de réservoirs à essence.

— C’est vrai ; nous, nous n’en avons pas.

— Il eût été miraculeux qu’ils pussent deviner ce qu’une expérience non enregistrée avait révélé à François de l’Étoile. Nos turbines du plateau inférieur tournent dans des bagues électro-magnétiques et produisent, par suite, l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement de nos turbines de propulsion horizontale, à notre éclairage, à tout enfin. Ce sont nos organes de planement eux-mêmes qui font office de moteurs, ce qui nous évite une surcharge considérable, et nous donne la possibilité de nous maintenir indéfiniment dans l’air.

— Oui, mais quand on est arrêté, comment repartir ?

— En appuyant sur la manette que tu vois à côté de toi, petite fille. Elle déclenche un ressort qui met en mouvement les turbines génératrices. Aussitôt, nous sommes chargés en électricité.

— Oh ! fit la jeune fille avec ferveur, le « roi » a bien raison de dire que Sir François de l’Étoile était un homme de génie.

Listcheü secoua désespérément la tête.

— Génie. Qu’est-ce que le génie ! Il n’a pu éviter le déshonneur. Il n’a pu préserver Miss Édith d’une effroyable mort. Qu’est-ce qu’une invention comme cet aéroplane auprès de la vie d’une fleur ?

Nul ne répondit. Un souffle de désespérance sembla passer dans l’atmosphère, peser sur les assistants.

La nuit était venue. Au-dessus de leurs têtes, les voyageurs distinguaient les myriades d’étoiles. Au-dessous d’eux, la terre était noyée dans les ténèbres.