Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.
203
MISS VEUVE.

— Eh sans doute. Seulement c’est écœurant de se voir employé à une besogne aussi stupide.

Et le lieutenant, tirant de son dolman une bande imprimée télégraphiquement, lut, en roulant des yeux furibonds :

« Faire ouvrir le feu sur un aéroplane que vous apercevrez venant de la direction de l’aérodrome de Grossbeeren. S’en emparer, s’il atterrit. »

La moustache de l’officier se hérissa, tandis qu’il concluait :

— Chercher un aéroplane dans une forêt. Un de ces jours, on nous mobilisera pour pêcher des carpes sur les voies ferrées et des locomotives dans les ruisseaux.

Tous deux chevauchèrent un instant en silence. Les pas des chevaux sonnaient sur l’avenue, et le bruit, se propageant sous bois, semblait éveiller dans ses profondeurs les échos endormis. Soudain, le sous-lieutenant arrêta brusquement sa monture.

— Écoutez. On dirait le bruit d’un moteur.

— C’est ma foi vrai.

— Si c’était l’aéroplane.

— Nous allons tout simplement rencontrer une automobile, mon cher ami. Une brave voiture terrestre, qui n’aurait jamais la prétention de s’élever dans les nuages.

L’officier achevait à peine, qu’à un détour de l’avenue, une automobile se montra, se dirigeant vers les cavaliers. Par exemple, cette voiture présentait une apparence, non pas extraordinaire, mais peu courante.

On eût dit un wagon, ou mieux encore un énorme entresort ou roulotte comme en possèdent les riches forains. À l’avant, le mécanicien, courbé sur le volant de direction, semblait un animal antédiluvien avec sa casaque de peau, sa casquette et ses larges lunettes de tourisme.

— On peut toujours interroger les passants, prononça le lieutenant, avec un haussement d’épaules.

— Sans doute, acquiesça son compagnon.

Et tous deux, se plantant au milieu de l’avenue, contraignirent ainsi le mécanicien à freiner.

— Qu’y a-t-il pour votre service ? questionna le watman surpris vraisemblablement par la manœuvre.

— Répondre à quelques questions que notre service nous oblige à vous adresser.

— Oh bien volontiers. Herr Doktor Listcheü, mon patron, ne me par-