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L’AÉROPLANE-FANTÔME

le gouvernement qui protège les espions au détriment de la nation allemande.

Les Social-démocrates reprennent leur propagande. Seuls, ils se réjouissent du désastre qui leur permettra d’augmenter le nombre des mécontents. Pour eux, Miss Veuve est une alliée, grâce à laquelle ils recruteront les troupes nécessaires pour marcher à l’assaut des institutions établies.

Mais les fonctionnaires, les soldats s’agitent dans une inexprimable confusion.

Les télégraphistes se précipitent aux postes volants installés pour la solennité, expédient des dépêches hâtives, baroques, qui affoleront tous les bureaux de l’empire.

Durant plusieurs jours, les ingénieurs seront occupés à vérifier les appareils, accusés faussement de mauvais fonctionnement, car ils ont transmis des choses extraordinairement folles.

Un exemple entre cent : la gendarmerie à cheval de Strasbourg reçut l’ordre de monter en selle et de partir au galop pour Grossbeeren.

Or, de Strasbourg à Grossbeeren, la distance est de 8 à 900 kilomètres. C’est comme si l’on conviait la police marseillaise à arrêter un homme déambulant sur les boulevards de Paris.

Les officiers clament des ordres, les soldats les exécutent, se hâtant vers des buts où il n’y a rien à faire.

Les cavaliers galopent sur les routes, forçant le train. Après quoi courent-ils ? Qu’espèrent-ils atteindre ? Ils n’en savent rien. Ils obéissent aux ordres de leurs chefs, affolés par le besoin de faire quelque chose.

Et cependant, dans la tribune impériale, les spectateurs demeurent en place, sans un mouvement ; on dirait une assemblée de statues.

L’immobilité de l’Empereur commande l’immobilité à ceux qui l’entourent. Il vient de recevoir le rapport des aides de camp envoyés aux nouvelles. Tous ont rapporté les mêmes paroles :

— Des éclairs inexplicables. Miss Veuve sûrement !

Il les a écoutés sans un geste, et ces messagers de tristesse éloignés, il est reste accoudé sur le velours ornant la loge impériale, pâle à ce point que l’on croirait que son cœur a cessé de battre.

Ses regards fixes, presque hallucinés, ne peuvent se détacher de l’horizon lointain, où son terrible adversaire a disparu, emporté par cette chose inconnue fendant l’air ainsi qu’un météore.

Sa main frémissante se porte à son front que tenaille la douleur d’une désespérance surhumaine.