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MISS VEUVE.

— Alors vous proposeriez ?…

— De divulguer par la voie de la presse, ainsi que Miss Veuve l’a demandé, le secret de la retraite de l’espion Von Karch.

La rougeur de l’Empereur augmente. En son esprit passa l’audacieux défi de Von Karch que lui avait transmis le chancelier de l’Empire.

— Silence pour silence.

Et d’une voix altérée, il balbutia :

— Je ne saurais agir ainsi, parce que j’ignore ou s’abrite celui dont vous parlez.

— En ce cas, on pourrait renoncer aux expériences de Grossbeeren.

Du coup, le souverain frappa violemment le plancher du talon.

— Renoncer, moi, moi, l’Empereur d’Allemagne, céder à cet inconnu. Ah ! prince héritier, j’espère qu’au jour où vous me remplacerez sur le trône, vous aurez un souci plus grand de la dignité de la Couronne. L’expérience aura lieu parce que je le veux, parce que la retarder seulement serait avouer le vol dont cet exécrable individu nous accuse.

— Et s’il se produit une catastrophe ? interrogea l’interpellé, entêté dans son idée de justice.

— Il ne s’en produira pas. Je mettrai sur pied des forces telles, que si habile que puisse être cette infernale Miss Veuve, elle ne saura agir. La force de ces êtres-là est dans la nuit, dans les démarches ténébreuses ; mais au grand jour, en présence de notre peuple, de nos troupes, de nos policiers, ses menaces ne sont que vaines fanfaronnades.

Parmi les parents entourant le souverain, plusieurs sans doute pensaient comme le prince héritier, mais en présence de la volonté exprimée par le Maître nul ne se sentit le courage de faire connaître son avis.

Le « présomptif » seul, qui semble, par son ironie et sa témérité, tenir plus de la Gaule que de la Germanie, s’apprêtait à continuer la discussion, quand l’un des vantaux de la porte, située en face du trône, tourna sur ses gonds.

— Qui se permet d’entrer ? gronda l’Empereur.

Sa voix s’adoucit, exprimant la surprise :

— Louise-Marie.

La princesse, introuvable tout à l’heure, se montrait sur le seuil, gracieuse, charmante, avec un je ne sais quoi d’effarouché dans toute sa personne. La porte s’était refermée derrière elle.

— D’où venez-vous ? questionne l’Empereur d’une voix que la vue de sa « préférée » adoucissait.