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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Eh bien, Brock ?

— Tout est prêt, Herr Von Karch.

L’interlocuteur du pseudo cuisinier eut un geste d’impatience.

— Imbécile ! Ne t’ai-je pas recommandé cent fois de ne pas prononcer de noms propres durant une expédition.

— Si, si, vous l’avez fait, Herr. Excusez-moi. Votre fidèle Brock est si gêné de ne pas vous donner les marques de respect.

De fait, le drôle semblait confus. Il courbait la tête, bombait le dos, offrant la silhouette d’un individu totalement désemparé. Il est probable que cette attitude apaisa la mauvaise humeur de celui dont l’incognito venait d’être trahi, car Von Karch reprit d’un ton plus bienveillant :

— Enfin, laissons cela. Il faut agir. Tout est prêt, dis-tu ?

— Oui.

— Les caisses ?…

— Réparties dans les caves, Herr. Elles forment quatre groupes reliés entre eux par le cordeau que vous savez.

— Bien. Et les paillassons des jardiniers ?

— À votre disposition, également. On a livré ces jours derniers, les palmiers qui ornent le parc durant l’été. J’ai rangé leurs enveloppes de paille avec soin.

Et ricanant :

— On m’a même félicité vivement à ce sujet. Il parait qu’un serviteur ayant de l’ordre est un oiseau rare.

— Qu’auraient-ils dit, mon fidèle Brock, s’ils avaient connu toutes tes qualités ?

Mais Von Karch estimait sûrement que les minutes étaient précieuses, car il reprit :

— Ne perdons pas plus de temps. Deux heures au moins sont nécessaires pour gagner la côte. Il faut qu’à l’aube, nous soyons en pleine mer, hors de la vue des guetteurs établis sur le rivage.

— Nous y serons, Herr.

L’espion hocha la tête, en homme qui avait pris les dispositions nécessaires pour qu’il en fût ainsi, et se tournant vers les buissons qui l’avaient abrité tout à l’heure, il prononça à haute voix :

— À l’ouvrage, garçons.

Trois hommes, taillés en athlètes, bondirent dans l’allée à cet appel et se tinrent immobiles, dans l’attitude figée de soldats en présence d’un chef. Ils portaient l’uniforme des matelots, le béret crânement campé sur la tête.