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chez nous. Si j’arrive à sauver mon œil et à effacer toute trace de laideur, je vivrai et vous me reverrez… Si mon œil est perdu, vous ne me reverrez plus… Et voilà ce que j’ai à vous dire : toi, Kyra, si — comme je le pense, — tu ne te sens pas portée pour vivre dans la vertu, dans cette vertu qui vient de Dieu et s’exerce dans la joie, — ne sois pas vertueuse, contrainte et sèche, ne te moque pas du Seigneur, et sois plutôt ce qu’il t’a faite : sois une jouisseuse, sois débauchée même, mais une débauchée qui ne manque pas de cœur ! C’est mieux comme ça. Et toi, Dragomir, si tu ne peux pas être un homme vertueux, sois comme ta sœur et ta mère, sois un voleur même, mais un voleur qui ait du cœur, car l’homme sans cœur, mes enfants, c’est un mort qui empêche les vivants de vivre, c’est votre père…

« Maintenant, vous resterez dans cet endroit où nous sommes, jusqu’au moment où le soleil descendra à trois lances de l’horizon. S’il pleut, ou s’il y a de la foudre, n’allez pas vous abriter sous les arbres, mais cachez-vous dans le trou que vous voyez creusé dans ce monticule. Peu après les vêpres, deux hommes à cheval viendront ici vous chercher et vous prendre