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condamner à l’abandon les deux femmes enfermées, battues et malades. Le soir venu, je me décidai à pleurer moins et à tâcher de me sauver à tout prix.

Je m’étais aperçu que, dans la cour, il y avait des échelles de toutes dimensions, et, dans mon réduit, des tas de rais grossièrement façonnés : c’était, en fait, la liberté. La servante m’apporta le dîner, pain et fromage, et me dit méchamment :

« C’est moins bien ici qu’à la maison, hé ?… C’est que, vois-tu, la vie n’est pas faite rien que de plaisirs : il y a la peine aussi, hé ! hé !… »

Et elle m’enferma. Je m’endormis aussitôt. Quand je me réveillai, c’était nuit encore. Je restai éveillé et je pleurai, en me rappelant le visage ensanglanté de ma mère. Puis, des coqs commencèrent à chanter, et je vis la pointe de l’aube. La maison était plongée dans le sommeil. Rapidement, j’ouvris la fenêtre et, avec un rais, j’écartai légèrement les deux barreaux qui n’étaient pas bien épais. Dans la cour, une hache était plantée dans un tronc. Je l’arrachai, je pris une petite échelle sous le bras et je montai sur une autre pour escalader le mur ; une fois dehors, je courus à toutes jambes par le chemin du port.

Il faisait à peine jour quand j’arrivai au