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Zouzoune revient de l’atelier, en métro. Fait inévitable, en ce lieu et à telle heure, elle est comprimée, laminée entre cinq ou six messieurs, à qui la vigueur masculine permet d’assurer quelque jeu à leurs poumons, aux dépens de ceux d’autrui. Fait un peu moins inévitable, mais bien fréquent tout de même, Zouzoune sent soudain qu’on la pince dans le derrière… Qui ?… Ce n’est pas facile à savoir, en métro. Grâce à des efforts véhéments, la petite parvient à tourner assez la tête pour constater que le geste est insolent, inadmissible, scandaleux, puisqu’il n’émane pas d’un jeune et joli garçon, mais d’un ignoble petit vieux, dont la face jamais débarbouillée est celle d’un chimpanzé lubrique.

Que faire ?… Du scandale ?… Quel raffût ! Quel ennui !… Sans compter qu’on pourrait bien lui donner tort, se moquer d’elle. Car tous ces gens-là sont trop pressés, bien sûr, pour s’occuper des affaires d’autrui, et ça leur est fort égal, que Zouzoune ait ou non des bleus sur le pétard… Tâchons de nous tirer d’affaire toute seule… Et la gosse, pour s’écarter des doigts rudes qui malaxent ses fesses virginales, s’insinue, avec une ténacité insidieuse, inlassable, entre le dos et la poitrine qui se trouvent devant elle.

Bon ! Qui est-ce qui grogne, maintenant ?… C’est la poitrine contre laquelle Zouzoune, sans penser à mal, presse tant qu’elle peut son joli petit nichon gauche. Elle lève les yeux vers la tête qui surmonte cette poitrine. Bigre, le joli garçon !… Mais, dans des yeux superbes, quel air de courroux, de dédain, de mépris… Ah ! non ! C’est pas admissible, qu’un chérubin pareil la prenne pour ce qu’elle n’est pas, se figure qu’elle a voulu.

Zouzoune murmure, écarlate :

— Excusez-moi, monsieur… J’ sais pas comment faire pour échapper au vilain vieux qui me pince, là derrière, que c’en est dégoûtant !

Le beau regard bleu et courroucé du chérubin change de direction. Passant par-dessus la tête de Zouzoune, il va foudroyer le vieux singe mal lavé. Puis une bouche bien dessinée, aux lèvres rouges et charnues… — Cristi ! la jolie bouche ! — grommelle d’énergiques menaces à l’adresse des saligauds qui osent manquer de respect aux jeunes filles. Et comme ces yeux si beaux, cette bouche si jolie sont situés au dessus