Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
par un beau dimanche

les mains cachées derrière le dos, exécutait sur ses paumes des exercices de vélocité pianistique. Comne son beau-frère continuait à se faire soigner, épousseter, essuyer les mains, etc., par ses deux filles obéissantes et empressées, le docteur se détourna en marmottant d’inintelligibles paroles, fit quelques pas vers le haut du sentier, feignit de s’intéresser aux travaux d’une araignée embusquée entre deux branches, alla, un peu plus loin, examiner on ne sait quoi sur le talus et, peu à peu, de l’air le plus innocent du monde, ne tarda pas à disparaître au détour de la haie.

Deux minutes plus tard, il était seul, bien seul, à cent mètres au moins des trois autres. Et, beau d’indignation, il accablait de véhémentes apostrophes un jeune bouleau planté au bord du chemin.

— Vous mentez, monsieur ! disait-il en menaçant du doigt l’arbre innocent. Vous mentez : je ne suis pas infirme, je ne suis pas hydrocéphale ! C’est vous, monsieur, qui avez un crâne d’une exiguïté ridicule et d’une asymétrie scandaleuse, un crâne d’anthropoïde, un crâne de singe plutôt que d’homme !… Oui, monsieur !… Et vous osez m’insulter parce que j’ai une tête de dimensions normales, moi qui fis jadis de la crâniologie avec le maître Broca, moi qui pourrais décrire, en termes irréfutables, tout ce qui différencie votre sale caboche d’un crâne bien constitué, tout ce qui la fait ressembler à une casserole, oui, monsieur ! à une vulgaire casserole, plutôt qu’à la tête d’un homme normal et sensé !… Car je n’ai nul besoin de vous connaître comme je vous connais, moi, monsieur, pour savoir ce que vous valez !… Il me suffit de voir votre os coronal mal fichu, vos temporaux ratés, vos pariétaux ridicules, pour discerner en vous les indices formels de la dégénérescence, du re-