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par un beau dimanche

— Torine !… Torine !… Viens ici tout de suite, ou je le dirai à ton père !

— Me v’là… Me vlà ! glapit aussitôt une voix aiguë.

Des branches s’écartèrent au pied de la haie et, par un trou où l’on n’eût pas cru que pût passer un lapin de garenne, une fillette de cinq à six ans jaillit soudain, glissant sur le ventre comme une couleuvre, sans même lâcher la tartine de confiture qu’elle semblait croire destinée à colorier ses joues beaucoup plus qu’à sustenter son estomac. Elle regarda effrontément le docteur et les deux jeunes filles, mais ne sembla pas soupçonner la présence de Hougnot.

— Pourquoi laisses-tu tes bêtes sortir du pré ? demanda M. Brusy.

— Elles sont pas méchantes, bredouilla la gamine en étalant un peu de confiture sur sa joue droite.

— Je l’ai priée de les rappeler ! cria M. Hougnot du haut de son arbre. Je le lui ai demandé dix fois, vingt fois ! Et elle n’a pas daigné me répondre ! C’est une petite insolente, une petite criminelle !

Torine ne sourcilla pas, ne parut pas entendre et transféra tranquillement sa tartine sur sa joue gauche.

— Pourquoi ne rappelais-tu pas tes bêtes ? interrogea le docteur.

— J’avais pas entendu le monsieur, affirma la petite, derrière la tartine dont elle se frottait maintenant le nez.

— Elle m’a entendu ! Elle était là, derrière la haie ! hurla M. Hougnot. Elle y était, j’en suis sûr, et elle n’a pas voulu me délivrer, me porter secours !… À cause d’elle, j’ai failli y laisser ma peau !… Je ferai un procès à son père !… Je la ferai enfermer dans une maison de correction !… J’ai de puissantes relations, mademoiselle !