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par un beau dimanche

autre haie non moins haute, non moins touffue, mais plantée suivant une courbe en retrait qui ménageait, entre elle et le sentier, sur un parcours de quelques mètres, une bande de gazon au milieu de laquelle croissait un maigre sapin.

Là était l’unique salut, le suprême refuge ! En un seul bond, M. Hougnot fut au pied de l’arbre, enlaça des bras et des jambes son tronc rugueux et poissé de résine, puis, rappelant à lui les forces et les souvenirs de sa lointaine enfance, commença à se hisser vers la cime. Déshabitué depuis longtemps de toute gymnastique, voire de tout travail, paralysé par la peur et rendu maladroit par sa trop grande hâte, il glissait, accrochait son pied droit à son pied gauche, qu’il prenait pour un obstacle étranger, se cramponnait à des branches mortes qui lui craquaient dans la main, et ne gagnait cinquante centimètres que pour en reperdre aussitôt quarante. Il montait pourtant, peu à peu, déjà tout en nage, les yeux désorbités, les paumes écorchées. Mais il montait, c’était l’essentiel. Sa main s’étendait déjà vers une grosse branche toute proche, bien saine, bien solide, quand un renâclement profond retentit au-dessous de lui. Puis il sentit, avec une horreur inexprimable, une pression élastique, souple et forte, vivante, enfin, passer à plusieurs reprises sur la plante de son pied droit, puis de son pied gauche. La vache noire, parvenue au pied de l’arbre, léchait humblement la semelle de ses bottes.

À ce contact, doux pourtant comme une caresse, des images effroyables, souvenirs de tant de faits divers savourés autrefois, dans la tranquille somnolence du coin du feu, envahirent le cerveau de M. Hougnot : il vit les picadors gisant, éventrés, sur le sable des arènes espagnoles, il vit des toucheurs de bœufs piétinés, réduits à l’état de bouillie sanglante par leur