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par un beau dimanche

tue !… Elle me déshonore !… Que va-t-on penser de moi ?

Mérance, avec des gloussements de poule qui a perdu ses poussins, tournait comme un toton autour de la pièce, carambolant contre les meubles et les murailles, sans qu’il fût possible d’assigner un but, une quelconque raison d’être à cet exercice fatigant. Eudore avait empoigné Marie par les chevilles, et tirait de toutes ses forces en beuglant :

— Pendez-la par les pieds !… Y’a rien d’meilleur, nom d’un cric !

Et Séraphie, au seuil de sa cuisine, invoquait d’une voix glapissante tous les saints du Paradis, sans du reste plus se déranger que si elle eût payé sa place au spectacle.

Pas-Bon soufflait comme un phoque, dans un coin, en étanchant avec sa blouse mouillée le sang qui giclait de son front fendu.

Enfin, quand chacun eut suffisamment exprimé ses émotions personnelles, ce qui constituait sans contredit la tâche la plus urgente, le docteur parvint à arracher Joséphine du corps de Marie, desserra en toute hâte les vêtements de celle-ci, lui écarta les mâchoires avec le manche d’une cuiller, et commença à pratiquer des tractions rythmées de la langue. Après s’en être fait répéter l’ordre cinq ou six fois au plus, Mme  Vireux et Joséphine prirent chacune un des bras de la noyée, et se mirent à les agiter violemment, sans écouter les indications que leur donnait le docteur, mais en se reprochant l’une l’autre de ne pas aller en mesure. Séraphie et Mérance, ayant enfin compris les injonctions de l’oncle Brusy, s’en furent chauffer des couvertures à la cuisine. Hougnot, sans quitter son fauteuil, continuait à geindre sur son triste sort personnel. M. Vireux, les mains dans les poches, encourageait les soigneurs en leur murmurant à