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par un beau dimanche

sieur le Chef de Gare, qui me croit furieux et vexé.

Là-dessus, M. Brusy, tout rasséréné, se remit à arpenter le quai d’un air joyeux et affable. Bientôt, comme le soleil chauffait de plus en plus, il avisa, près de l’entrée du tunnel, une brouette posée dans l’étroite bande d’ombre que projetait la palissade du remblai, épousseta le fond du véhicule en quelques coups de mouchoir, et s’y assit avec un soupir de satisfaction.

Bloqué dans l’angle formé par la palissade et le mur de soutènement du tunnel, tout au bout du long quai désert, le docteur murmura en souriant : « Je dois avoir l’air d’un enfant mis en pénitence ». Et, par une association d’idées bien naturelle chez lui, il songea un instant à couvrir la muraille d’inscriptions commémoratives, comme il faisait jadis quand sa mère « le mettait dans le coin ». Mais, non sans quelque regret peut-être, il rejeta cette envie trop puérile, et, pour en détourner sa pensée, avisa un gros cailou tombé au pied de la muraille, le ramassa, l’examina sur toutes ses faces, puis marmotta gravement, car il se piquait de quelque érudition en matière de géologie :

— Ceci est du granit, roche cristallisée, composée de mica, de cristal de roche et de feldspath. Le granit est une roche ignée, que l’on nomme aussi roche primitive, ou éruptive. Ses masses sont disposées sans aucune espèce de régularité, et ne présentent jamais le moindre vestige de débris organiques. Il est très employé comme matériel de construction, et les peuples anciens y taillaient d’énormes et magnifiques monolithes, tel l’obélisque de Louqsor, qu’un monarque prudent érigea sur la place de la Concorde, à Paris, pour tâcher de faire oublier aux passants qu’un de ses prédécesseurs fut guillotiné à ce même endroit. Ce souverain avait une juste et forte