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par un beau dimanche

pour lui, toisa d’un regard hostile les vieux arbres majestueux, puis déclara, toujours fidèle à son point de vue éminemment pratique, non moins qu’à son vocabulaire injurieux et restreint :

— Le propriétaire de cette forêt est un idiot. Ça vaut de l’argent, toutes ces bûches, et je ne comprends pas qu’on laisse ainsi l’argent dormir pendant des siècles, au profit de lointains héritiers qu’on n’aura peut-être jamais vus.

L’oncle Brusy répondit doucement :

— Celui qui laisse croître ses arbres est un bienfaiteur de l’humanité. Vous pouvez faire le tour du monde, dans tous les sens imaginables, partout vous vérifierez la vérité de cet axiome : pays boisé, pays riche et sain ; pays sans arbres, pays pauvre et malsain.

— Je ne suis pas chargé, riposta l’autre, d’enrichir mes contemporains, ni de les empêcher d’attraper la colique ou la fièvre quarte. Si cette forêt était à moi, elle ne resterait pas debout quinze jours de plus. Le meilleur moyen de partager son argent, c’est de le faire rouler.

— L’épaisse couche de feuilles mortes que nous foulons, observa le docteur, est le seul sol capable de retenir, jusqu’au cœur brûlant de l’été, l’eau des pluies et des neiges tombées pendant l’hiver. Coupez la forêt, toute la vallée sera ravagée par les inondations chaque fois que reviendra la saison mauvaise, desséchée par le soleil au retour de la saison torride.

— Contre le soleil, je me munis d’une ombrelle, et contre l’averse d’un parapluie, dit tranquillement M.  Hougnot. Que les autres se garent à leur guise des ennuis et des contretemps qui peuvent leur advenir.

— Pourtant, en cas d’inondation…

— On élève des digues !

— Si la sécheresse dure trop longtemps…

— On achète des arrosoirs !… Mais quand on