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la foi jurée, avait fait dire que monsieur n’aurait son costume que le lendemain. Et Gaston, bien qu’il essayât d’être furieux, ne se sentait pas trop fâché de voir reculer l’instant décisif. Il s’en donnait pour raison la nécessité de combiner un plan d’attaque ingénieux et foudroyant. Il avait donc décidé d’attendre encore au jeudi suivant.

Le mercredi, il la rencontra rue de la Paix, seule et à pied. Et il la jugea un peu fantasque, car elle accourut vers lui en disant : « Quelle bonne rencontre ! Je suis seule, je m’ennuie, j’ai tout cet après-midi à moi, et je ne sais qu’en faire. Où me conseillez-vous d’aller ? » Il suggéra une visite à l’exposition de l’Épatant, très intéressante, affirmait-il. Mais elle n’aimait pas la peinture. Une conférence d’Émile Faguet ne la séduisit pas davantage. Et elle répétait avec une insistance vraiment singulière, en le regardant en plein dans les yeux : « Alors, pour tout de bon, vous ne devinez pas ce qui me plairait ? »

Ne sachant plus que lui conseiller, Gaston aurait voulu prendre congé, car sa jeune expérience craignait, pour Mme  Cocheroy, les racontars que pouvait susciter une trop longue conversation dans cette rue si fréquentée. Mais elle l’avait retenu en s’exclamant : « Et chez moi ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu chez moi ? C’est très incorrect ! Je vous avais dit de venir le jeudi, il n’y a jamais personne. Puis-je compter sur vous demain ? »

Il avait promis, et pensait en s’en allant : « Il n’y a jamais personne… Ça veut dire qu’on sera quinze au plus, chez une femme aussi mondaine. »

Mais il avait échafaudé ce plan ingénieux : « J’arriverai

tard. Je resterai le dernier, coûte que coûte, 

dût-on le remarquer. Et dès que je serai seul avec