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Certaine de ne pas travailler pour des prunes, la prophétesse se tasse un peu plus encore dans son fauteuil, puis bredouille, d’une voix si morne que le monsieur se figure d’abord qu’on parle dans la pièce voisine :

— Je ne suis qu’une humble mortelle, une créature faite de chair comme vous…

— Et même plus que moi, pense le monsieur, qui est très maigre.

— … Ce n’est donc pas moi qui répondrai à vos questions, continue la voyante, mais un Esprit tout-puissant et mystérieux qui daigne me visiter par faveur spéciale, et qui m’emploie simplement comme le fil transmetteur de ses révélations.

— On voit fichtre bien que ce n’est pas comme fil à couper le beurre, pense encore le monsieur.

— Rien n’est caché à l’Esprit, reprend Mme Florida. Il connaît tout, sait tout, révèle tout, le passé, le présent et l’avenir. Vous allez me dire ce seul mot : « Dormez ! » Aussitôt, je tomberai dans un profond sommeil, et vous n’aurez plus qu’à interroger, c’est l’Esprit lui-même qui répondra. Quand la séance sera terminée, vous aurez soin de dire, avant de vous retirer : « Réveillez-vous ! » Car je serai en votre pouvoir, et vous seul aurez la puissance de me tirer du sommeil cataleptique… Allez-y !

Le monsieur ne se le fait pas dire deux fois.

— Dormez ! clame-t-il d’une voix de stentor. Les paupières de la pythonisse se ferment aussi prestement que des couvercles de tabatières, il semble qu’une lame de fond soulève et fait onduler les vastes étendues de simili-soie qui recouvrent sa poitrine, et Mme Florida déclare :

— Interrogez, l’Esprit répondra.