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se terminait par une réconciliation sur l’oreiller, et les séances de nuit ne souffrent nullement de cet état de choses.

3 mai. — Mes petits voisins viennent d’avoir une fameuse chance. Hier, je n’avais vu personne. Adalbert était parti pour chercher de l’ouvrage, comme toujours. Yaya était sortie peu après lui, et le vieux goret ne s’était pas montré de toute la journée. Le soir, la petite est rentrée assez tard. Son mari était revenu depuis plus d’une heure, et, comme leur fenêtre était ouverte, j’ai entendu toute leur conversation.

Il paraît que Yaya a trouvé une pièce de cent sous dans la rue. Alors, elle a eu l’inspiration d’entrer dans un café où se tient une agence de paris clandestins, et de risquer ses cinq francs sur un cheval dont on lui avait parlé, et qui devait rapporter vingt fois la mise. Le cheval a gagné la course, et la petite s’est sauvée avec un beau billet de cent francs. Chose bizarre, cette heureuse chance n’a pas rendu à mes voisins leur belle gaieté d’autrefois. Tandis que Yaya parlait avec une volubilité extrême, Adalbert ne répondait que par monosyllabes, et il est resté silencieux pendant tout le repas. Mais ce qui m’a littéralement stupéfié, c’est qu’après cette aventure inespérée, les amoureux, pour la première fois depuis qu’ils logent ici, m’ont laissé dormir tranquillement. Il n’y a pas eu la plus petite séance de nuit !

7 mai. — Le petit ménage d’à côté fait preuve de la même imprévoyance que jadis. Au lieu de ménager leur argent, ces enfants incorrigibles ont dégagé tous leurs vêtements, et recommencent à se payer des gueuletons luxueux. Je me demande même comment leurs cent francs ont pu suffire à tout cela.